Après un premier tome remarquable (et remarqué!),
Tyler Cross reprend du service, pour un coup sans risque garantit sur facture… La couverture donne d’emblée le ton : tout ne s’est pas vraiment déroulé comme prévu… Et c’est peu dire que c’était l’un des albums les plus attendus de la rentrée…
Tyler abandonne sa paisible retraite pour bosser pour Hermann Van Geld, un bijoutier qui cherche à monter une équipe pour cambrioler sa propre bijouterie. Il rachètera ses propres bijoux aux braqueurs tout en empochant la prime d’assurance… Un coup rapide et sans risques… Pour Tyler, le coup sans risque vire rapidement au fiasco. Le bijoutier leur a fait un enfant dans le dos en escamotant par avance le butin… Commence alors pour Tyler une lente descente aux enfers qui s’achève au purgatoire d’Angola, une prison de haute-sécurité entourées de marécages inextricables. Le directeur de l’établissement y fait régler une discipline de fer. Comme les emmerdes n’arrivent jamais seuls, le clan Scarfo a posé un contrat sur sa tête… Tyler va avoir fort à faire pour sortir du pénitencier autrement que les pieds devants…
Le moins que l’on puisse dire est que Fabien Nury mène la vie dure à son héros. Après un premier tome explosif, voilà qu’il l’envoie en Louisiane dans le pire bagne des Etats-Unis. On retrouve avec plaisir ce gangster froid et implacable qui n’est pas sans évoquer l’excellent Parker de Darwyn Cooke. Mais quoi de plus normal puisque Cooke et Nury s’abreuvent aux même sources : le polar hardboiled des années 50.
Le scénario épuré concocté par Fabien Nury s’inscrit dans une veine très classique. On y retrouve les poncifs du genre : le bagne mené d’une poigne de fer, les clans, la corruption, la mafia qui gangrène jusqu’à l’univers carcéral, une chasse à l’homme, de faux gentils, de vrais méchants, et, bien évidemment, une femme (très) fatale. Comme dans le premier tome, le scénariste va à l’essentiel avec une histoire dense très rythmé où les silences en disent parfois plus longs que les dialogues pourtant soignés. Sa description du Louisiana State Penitentiary (plus connu sous le nom d’Angola, pays origine des esclaves qui trimaient dans la plantation sur laquelle le pénitencier fut bâti) fait froid dans le dos, posant avec une redoutable efficacité le décor de son histoire sombre et violente…
Et il y a ce dessin reconnaissable entre tous de Brüno. Son trait lui aussi épuré, ses cadrages, son découpage très cinématographique et sa formidable gestion des ombres confèrant à ses planches une force incroyable. Ayant patiemment digéré les films noirs des années 50, il nous entraîne dans une Amérique fantasmé, redonnant vie aux clichés littéraire et hollywoodien avec un talent saisissant…
C’est avec un plaisir jubilatoire qu’on retrouve Tyler Cross, gangster froid et implacable qui ne s’encombre pas de sens moral. Sa chance insolente semble avoir tourné sous le soleil écrasant de Louisiane et il aura fort à faire pour sortir de bagne d’Angola où l’a emmené un coup sans risque garanti sur facture. La narration parfaitement maîtrisée de Fabien Nury lui permet de dérouler un scénario classique mais bougrement efficace mis en image avec talent par un Brüno toujours aussi épatant… Avec des influences communes patiemment digérée (et clairement revendiquées!), les deux auteurs, une fois encore en parfaite osmose, nous livrent un second tome sombre et violent absolument captivant. Un album indispensable pour les amateurs de romans noirs et bien sérés…
(*) The Animals