Connus pour ses polars nerveux et ses thrillers inquiétants, on n’attendait pas Joël Callède dans ce registre plus mystique… Mais il suffit de se lancer dans la lecture de l’album pour comprendre qu’il maîtrise parfaitement son sujet…

Arrivé au crépuscule de sa vie, François Mitterrand est confronté à son passé… Harassé par la maladie qui le ronge, il va s’interroger jusqu’au bout sur sa vie, invoquant les figures du passé et esquissant les contours d’un homme érudit, complexe et ambigu, animé par un profond mysticisme…

Difficile de ne pas être interpelé par cette couverture présentant l’ancien président accompagné d’Anubis, dieu égyptien chargé de peser l’âme des morts…
L’album s’ouvre le jour de Noël, à Assouan, en Egypte… Accompagné d’Anne et Mazarine Pingeot et du docteur Jean-Pierre Tarot, l’ancien président sait sa fin proche et semble prêt à l’affronter… A l’heure de mourir, un homme revit dit-on son passé… Guidé par Anubis, il va convoquer les fantômes du passé…

Deux figures de l’histoire de France tout d’abord, Jean Jaurès et Jean Moulin auxquels il avait rendu hommage le jour de son investiture (le troisième étant Victor Schœlcher, qui fit abolir l’esclavage)… La rencontre est lourde et intense, renvoyant François Mitterrand vers la maladie qui va l’emporter… Puis, Anubis va le confronter à ses ambiguïtés… La peine de mort qu’il soutint dans sa jeunesse et abolit devenu président… Les choix contestables fait durant l’occupation… Un moment fort et intense qui le met devant ses apparentes contradictions… Puis viennent les zones d’ombres dont le suicide de François de Grossouvre qui fit, à juste titre couler beaucoup d’encre… Et pour finir un dialogue imaginaire entre lui et Marie de Hennezel dont il préfaça le livre, la mort intime…

Chacune de ces visions se referme avec l’ombre qui gagne, laissant Mitterrand, l’air grave, tourmenté… Entre chacune d’elle, quelques bribes de vies et de conversations, avec Danielle Gouze, Anne Pingeot ou son médecin… L’occasion d’aborder certains pans de sa vie au travers les yeux de ces personnages qui l’ont partagé, tel ce moment intense et chargé de symboles où il prit la main du chancelier Helmut Kohl devant l’ossuaire de Douaumont… Sont évoqué Mazarine bien sûr, ses deux fils et Pascal, son premier enfant décédé en bas âge…

Mitterrand Requiem est un album atypique et passionnant qui, sous un angle audacieux, parle de la mort, du pouvoir de l’esprit, et qui aborde sans fards et avec subtilité ce personnage ambigu, érudit et mystique que fut François Mitterrand…

On n’attendait pas Joël Callède dans un registre aussi mystique qu’intimiste… Mais l’album, solidement documenté, s’avère être passionnant et envoûtant, esquissant le portrait d’un homme complexe, entre ombre et lumière…