Avec
Les rêves de la maison dela sorcière, nous retrouvons le talentueux Mathieu Sapin dans un registre où on ne l’attendait pas au vu de ses précédentes œuvres (
Campagne Présidentielle,
Le Château,
le Journal de la Jungle…) : celui de l’horreur et du fantastique… Adapté de
The Dreams in the Witch-House, nouvelle glaçante signée H.P. Lovecraft, publiée initalement en 1933 et reprise dans le recueil
Dans l'abîme du temps, l’histoire met en scène un homme qui glisse peu à peu vers une indicible folie…
Brillant étudiant en mathématiques, narrateur et involontaire héros de cette triste histoire, Walter Gilman vit dans une chambre de bonne. Les rumeurs affirment que sa mansarde exigüe fut occupée deux siècles plus tôt par une vieille femme jugée et condamnée pour sorcellerie… Ces mêmes rumeurs affirment que son esprit hante à jamais les murs de son ancienne maison…
Peu à peu, l’étudiant va être la proie de rêves profonds et pénétrants qui vont déteindre sur sa réalité… Glisse-t-il lentement vers la folie ou est-il attiré dans les sinistres contrées du rêve par cette inquiétante sorcière…
En transposant le récit originel de la mythique ville d’Arkham au quartier Latin et en lui apportant une touche de modernité, Mathieu Sapin signe une remarquable adaptation de la nouvelle éponyme d’un des maîtres incontesté du fantastique.
Conservant l’aspect littéraire de la nouvelle originelle, il ancre par petite touche le récit dans notre époque par le truchement d’un discret mais intéressant dialogue entre l’image et les longs récitatifs, indispensables pour distiller cette atmosphère si particulière inhérente à l’œuvre de Lovecraft. On retrouve dans cet album ce qui fait le charme sulfureux des nouvelles du maître de l’horreur et du fantastique, avec cette réalité qui bascule peu à peu alors que le narrateur perd peu à peu pied avec la réalité, contemplant à la fois fasciné et horrifié ce qui se trouve au-delà du voile apparences…
Le suspense est savamment orchestré, la tension allant crescendo au fil des pages pour un final dantesque où le narrateur se perd corps et âme dans les entrailles de la sinistre maison de la sorcière…
Graphiquement, Patrick Pion (
La porte de Brazenac,
Prophet,
Cœur de Glace…) interprète avec virtuosité la partition de Mathieu Sapin. Son trait vif et énergique nous offre des planches vertigineuses et saisissantes peu à peu envahies d’ombres inquiétantes. Toute en nuances et en subtilités, sa mise en couleur confère au récit une certaine intemporalité, l’époque s’effaçant derrière les faits relatés par le narrateur dont le lecteur craint presque de croiser le regard halluciné.
Réalisé en crayonné, ses visions cauchemardesques des Contrés du Rêve suggèrent plus qu’elles ne montrent ces inquiétants édifices organiques et minéraux, laissant au lecteur le soin d’y projeter son propre imaginaire, comme il pouvait le faire avec les nouvelles de Lovecraft…
Avec Les rêves de la maison de la sorcière, Mathieu Sapin et Patrick Pion signent une remarquable et envoûtante adaptation de la nouvelle éponyme de H.P. Lovecraft.
Porté par un dessin halluciné très inspiré, l’album ouvre aux lecteurs les portes de l’univers fascinant et horrifique de l’écrivain de Providence, abordant par petites touches le mythe vertigineux auquel il a donné naissance…
Les amateurs seront sans nuls doutes conquis par le charme sulfureux distillé dans ces pages et l’album devrait donner aux autres l’envie de découvrir l’œuvre poétique, torturée et malsaine d’Howard Phillips Lovecraft…