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Grand Est
Grand Est



Fiche descriptive

Roman Graphique

Denis Robert

Franck Biancarelli

Franck Biancarelli

Dargaud

20 Mai 2016


22€

9782205075397

Chronique

Grand Est est un road-movie qui démarre par un stage de conduite à l'automobile club de Metz. En le quittant, un père embarque son fils de huit ans pour une balade pleine de surprises dans un territoire post-industriel aux allures de Far west.

Roman graphique sur ce qu'on laisse à nos enfants, en même temps que récit initiatique, on est saisi par l'humanité de l'histoire écrite par Denis Robert et par la puissance des images de Franck Biancarelli. On voyage ainsi porté par le rythme des conversations entre les personnages, leurs rencontres et les souvenirs. Comme s'il se jouait un peu de notre avenir à tous sur ces routes entre Hayange et Milwaukee.
un chef d'oeuvre!


Une vue imprenable sur la folie du monde
Grand Est, planche de l'album © Dargaud / Robert / BiancarelliDenis Robert, le journaliste d’investigation qui a révélé l’affaire Clearstream, nous entraîne dans un road-movie initiatique qui nous brosse un portrait saisissant du Grand Est, sa région natale, pour mieux dépeindre notre société contemporaine, ravagée par les dérives du capitalisme…

Grand Est raconte l’itinéraire d’un écrivain en panne d’inspiration qui embarque son jeune fils pour une balade pleine de surprises dans un territoire sinistré aux allures de… Far East.

D’étapes en étapes et de rencontres en rencontres, il esquisse un tableau lucide et désabusé de villes qui ont subi de plein fouet la désindustrialisation et la mondialisation galopante qui fait bien peu cas du facteur humain…


Grand Est, planche de l'album © Dargaud / Robert / BiancarelliAdaptation très libre du roman Vue imprenable sur la folie du monde, l’album est écartelé entre le documentaire et le récit intimiste. Au fil de ses pérégrinations, l’auteur cherche à retrouver ses racines, cette enfance insouciante qui semble si loin depuis que le capitalisme exacerbé a ravagé ce coin de France qu’il aime tant et auquel il se sent inextricablement lié… Les usines ont fermées une à une au grès des délocalisations, tantôt abandonnée telle une ville fantôme de poussière et de métal, tantôt transformée en musée dérisoire où l’on entretien le souvenir d’un âge d’or révolu. Délaissés par les politiques qui trahissent une à une leurs promesses de campagne, sauvée l’espace d’un instant par des repreneurs peu scrupuleux désireux d’engranger les primes généreusement distribuées par l’état pour donner l’illusion de préserver un emploi agonisant, la région sombre peu à peu…

A travers ce Grand Est impersonnel qui peine à retrouver une identité, le journaliste nous parle de cette société en pleine mutation, du vieux monde de son enfance qui n’est plus qu’un souvenir, de la crise qui fracasse des familles et des villes entières, sacrifiées sur l’autel du profit… Au grès des discussions et des rencontres, de réflexions étayées de chiffres qui donnent tant le vertige que la nausée, l’auteur nous incite à nous arrêter un instant et à réfléchir sur le monde tel qu’il est, une fois nettoyé du fard des apparences… Mais aussi et surtout de nous interroger sur l’héritage que nous laisserons à nos enfants. Peut-être est-il tant de repenser le monde, de remettre l’homme au cœur de la politique, sous peine de voir nos société contemporaines se déliter et disparaître, alors que s’étiolent les valeurs qui en furent le fondement… Par bribes et au fil de la lecture remontent des fragments de paroles de Fensch Vallée de Bernard Lavillier ou du Combat Ordinaire des Fatals Picards, murmurées par la touche sombrement poétique du récit…

Franck Biancarelli nous livre un album extrêmement touchant. Le dessinateur de Galfalek, du Livre des Destins ou de Dunk se renouvelle une fois encore, adoptant un style plus dépouillé, façon carnet de voyage, et parvenant à saisir l’instant avec finesse et subtilité. Ses planches, tout en contrastes, font la part belle au ressenti et son trait est en parfaite osmose avec la tonalité et le propos du récit…

Grand Est, planche de l'album © Dargaud / Robert / BiancarelliAbîmé par les tourments de l’Affaire Clearstream dont l’ombre plane sur l’album, Denis Robert signe un road-movie poignant et poétique qui porte un regard lucide et désabusé sur ce coin de France, épicentre de la crise industrielle. Ce faisant, le journaliste nous offre une vue imprenable sur la folie du monde, sur ce capitalisme galopant qui nous entraîne chaque jour, un peu plus près de l’abîme.

Porté par le dessin épuré de Franck Biancarelli, ce récit initiatique nous incite à revenir à nos racines, à ce qui fonde ce que nous sommes et qui servent d’amers en ces jours de gros vents et de tempêtes…

Quel monde laisserons-nous à nos enfants? Est-il déjà trop tard ou les choses peuvent-elles encore changer? L’avenir seul le dira… Mais nous avons, hélas, de nombreuses raisons d’être pessimistes… et très peu de temps pour inverser la vapeur…

Le Korrigan




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