Sylvain Cordurié continue de revisiter l’œuvre de Conan Doyle, la nimbant d’une atmosphère délicieusement fantastique. Avec ce diptyque, il s’empare du personnage de Moriarty pour un dresser un portrait pour le moins iconoclaste.

Moriarty parcourt le monde pour retrouver et détruire tous les exemplaires du Necronomicom, un grimoire de magie noire sulfureux qui aurait été écrit par le poète arabe Abdul al-Hazred. Sa longue quête le conduit à New York pour y rencontrer Josua Sline, un collectionneur d’artefacts anciens qui possède les deux exemplaires connus du livre maudit…

Sûr de son pouvoir, Moriarty pense pouvoir facilement mener à terme la mission qu’il s’est donnée mais Sline n’est que le serviteur zélé d’un cercle d’occultises qui détiennent le véritable pouvoir…

Mélangeant allégrement les mondes de Lovecraft et les personnages et les évènements du canon Holmésien, Sylvain Cordurié signe un diptyque audacieux mais plus que convainquant. Son récit est écartelé entre deux époques: celle de l’initiation de Moriarty auprès de Taher Emara, un puissant mage égyptien, et celle où il traque les derniers exemplaires connus du livre d’Abdul al-Hazred, s’offrant le luxe d’un détour par la façon dont Moriarty repris réclama l’héritage paternel sur lequel il put assoir son empire du crime…

Cette dichotomie introduit un rythme soutenu au récit, entraînant le lecteur dans un univers sombre et tourmenté. Avec un plaisir évident, le scénariste éclaire d’un jour nouveau le célèbre affrontement qui précéda le Grand Hiatus et qui vit Moriarty disparaître dans les eaux glacées de la Chute du Reichenbach… L’occasion pour l’auteur de nous parler de la façon dont le Napoléon du crime considérait son meilleur ennemi… La dernière scène de l’album et cette fin ouverte s’avère particulièrement intéressante, laissant entendre que la partie d’échecs entre Holmes et Moriarty est loin d’être achevée…

Côté dessin, le trait acéré d’Andrea Fattori fait une fois encore merveille. Son découpage très cinématographique et ses cadrages vertigineux s’avèrent comme de coutume particulièrement efficace, apportant un dynamisme saisissant à l’ensemble. Mais si la colorisation soignée d’Axel Gonzalbo renforce de façon convaincante l’ambiance oppressante distillée par l’histoire, on ne peut que rêver d’une version crayonnée de l’album tant il se dégage des planches en noir et blanc que l’on peut voir sur le net une force et une énergie saisissante…

Ainsi s’achèvent les aventures occultes de James Moriarty, Empereur du crime que Sherlock Holmes n’a cessé de combattre jusqu’à sa supposée disparition dans la Chute du Reichenbach…

Sylvain Cordurié propose un portrait iconoclaste mais envôutant, revisitant le mythe holmésien avec audace et inventivité… Son récit inspiré de l’œuvre du maître de l’horreur de Providence est superbement mis en images par un Andrea Fattori dont le trait n’en finit plus de nous envoûter…