Assité aux crayons par le talentueux Éric Hübsch, Serge Scotto et Éric Stoffel poursuivent leur enthousiasmante adaptation de l’œuvre de Marcel Pagnol avec ce second tome de Topaze, pièce de théâtre montée pour la première fois en 1928 à l’heure où les scandales financiers défrayaient la chronique…

Topaze officiait comme professeur de morale… Foncièrement honnête, il a été congédié pour avoir refusé de falsifier le relevé de note d’un élève de bonne famille… Sans ressources, il accepte l’offre d’emploi d’un homme politique influent qui compte bien user et abuser de la naïveté de Topaze pour en faire son homme de paille…

Peu à peu, Topaze comprend qu’on se joue de lui et c’est tout un monde qui s’écroule… Réalisant combien l’homme n’est pas fondamentalement bon, il va se défaire de sa probité et apprendre les règles de jeu ce jeu de dupes dans lequel il va exceller…

Dans Topaze, tout en conservant son humour et sa tendresse coutumière, Marcel Pagnol s’interrogeait avec cynisme et lucidité sur l’adéquation entre l’enseignement de la morale et notre société où la loi du plus riche est trop souvent la meilleure…

Avec un talent évident, Serge Scotto et Éric Stoffel signent une formidable adaptation de cette fable amorale de Marcel Pagnol… Par le truchement de dialogues truculents et un humour grinçant, les scénaristes nous montrent comment le naïf Topaze, après avoir perdu toutes ses illusions, va se changer en prédateur implacable dans ce panier de crabe qu’est la finance.

Le dessin rafraîchissant d’Eric Hübsch porte remarquablement ce scénario cynique et désabusé. Son trait semi réaliste sait se faire délicieusement caricatural, accentuant l’aspect théâtral de certaines scènes et donnant à voir les émotions qui animent les différents protagonistes de l’intrigue… à commencer par Topaze qui semble perdre peu à peu son humanité en même temps que ses son intégrité…

Pour réussir en affaire, nul besoin d’être très intelligent : il suffit pour se faire de se défaire de toute valeur morale, de renoncer à son intégrité et à son honnêteté, d’être prêt à dépouiller les autres sans vergogne pour se remplir les poches… Topaze est un conte amoral, un pamphlet cynique et violent contre les politiciens véreux, les hommes d’affaire cupides ou les femmes vénales, brossant un portrait sombre et désabusé (mais oh combien lucide) de la nature humaine…

Porté par des personnages délicieusement caricaturaux et des dialogues truculents, Topaze n’a rien perdu de son humour et de son mordant dans ce remarquable diptyque signé par Serge Scotto et Éric Stoffel…

Au vu de la qualité de chacun des albums parus, ce projet d’adaptation de l’œuvre de Pagnol est un projet aussi ambitieux que passionnant et il nous tarde de lire Jazz, œuvre moins connue de l’écrivain qui sera mise en image par le talentueux A.Dan dont on a pu apprécier le talent dans le remarquable Merlusse…