Séverine Tréfouël et Jean-David Morvan se proposent de nous narrer l’engagement saisissant d’Irena Sendlerowa, une femme ordinaire qui, risqua sa vie pour sauver celle des autres…
Varsovie, 1940. Alors que l’armée allemande a envahie la Pologne l’année précédente, faisant basculer le monde dans la guerre, les nazis parquent les juifs de Varsovie dans un ghetto entouré de hauts murs, abattant sans sommation quiconque tente de s’en échapper…
Irena fait partie des rares personnes à venir apporter soutien et vivres aux juifs parqués dans le ghetto et soufrant de maladie, de malnutrition et de mauvais traitements… Sûre de son bon droit, elle n’hésite pas à tenir tête aux gardiens et sa venue régulière, faible lueur d’espoir au cœur des ténèbres, est très attendue, notamment par les enfants…
Mais un jour, une mère mourante la supplie de prendre soin de son fils lorsqu’elle ne sera plus… A-t-elle le droit de risque la vie de ses proches et de ses collègues pour sauver un enfant? Malgré les risques d’être trahi, la mort de cette jeune mère va la faire entrer en résistance active… Jour après jour, elle va jouer avec la mort pour sauver les enfants de l’enfer…
Aussi bouleversant qu’édifiant, cet album est l’occasion pour le grand public de découvrir l’engagement d’une femme d’exception qui, au nom de valeurs profondément humanistes inculquées par son père, a risqué sa vie pour sauver des enfants enfermés par les nazis dans ghetto de Varsovie…
Tout en déroulant leur histoire avec pudeur et subtilité, Séverine Tréfouël et Jean-David Morvan prennent le temps de la resituer dans son contexte historique, décrivant de façon glaçante tant la vie miséreuse au cœur du ghetto que la façon dont les lois raciales ont été peu à peu promulguée, privant peu à peu les juifs de toutes liberté. Dans cet album les auteurs nous montrent comment son engagement pour les pauvres et les déshérités va la pousser à entrer en résistance contre la barbarie.
Parfaitement maîtrisée, la structure narrative est particulièrement bien pensée, jouant avec le temps pour préciser le destin saisissant et hors du commun de ce petit bout de femme qui devint héroïne, presque comme une évidence… Survenant à un moment particulièrement tragique, le flashforward qui nous entraîne en 1943 au siège de la Gestapo de Varsovie est particulièrement efficace, montrant de façon percutante les conséquences et la portée de la décision qu’elle s’apprête à prendre…
Le dessin de David Evrard est une petite merveille de justesse et contribue grandement à la force narrative de l’album. Le contraste entre son trait rond et enfantin et le propos qu’il sert est saisissant et s’il atténue le tragique et l’horreur des situations qu’il dépeint, jamais il ne l’édulcore. Plus d’une fois ses crayons nous touchent et nous bouleversent… le découpage, un cadrage, une expression, un détail qui pourrait paraître anodin mais qui en dit long, tel ce nounours poussé par une botte dans une fosse commune… tout simplement insoutenable… Et cette femme qui pleure, simplement parce qu’on l’appelle « Madame »… Et que dire du cri déchirant de cette mère mourante, ou le regard éploré de ces parents acceptant d’être séparé de leurs enfants, se doutant bien que jamais plus ils ne les reverront…
Plus d’une fois on sent son estomac se nouer et les larmes poindre… Plus d’une fois on a le cœur au bord des lèvres… Comment tout cela a-t-il pu se produire? Comment l’innomable a-t-il pu avoir lieu?
Sans tomber dans l’ornière du pathos, Séverine Tréfouël, Jean-David Morvan et David Evrard nous livrent un récit bouleversant d’une grande finesse et plein de retenue qui suggère plus qu’il ne montre les horreurs perpétrées par les nazis au sein du Ghetto de Varsovie.
Ce premier tome nous montre comment une femme ordinaire, courageuse et volontaire, va résister activement contre la barbarie pour préserver l’innocence et la vie au cœur des ténèbres. Irena est une trilogie d’ores et déjà indispensable, à la fois un hommage poignant à une femme incroyable et un nécessaire et salutaire devoir mémoriel… Pour que nul n’oublie, jamais…