Navie associe sa plume aux crayons de Carole Maurel pour un récit historique dans le Paris de l’occupation.
Paris, 1942. Dans ce petit immeuble du Passage De la Bonne Graine, une poignée de femmes survit bon an mal an… Rose, mal mariée à un mari prisonnier en Allemagne et s’éprend d’un officier allemand. Battu par un mari abject, Judith, sa belle-sœur tente de cacher ses blessures et son désarroi. La jeune Simone cache les sentiments qu’elle éprouve pour Joséphine, une femme aux allures d’actrice qui vend ses charmes dans un cabaret. Andrée, la concierge, ouvre consciencieusement le courrier des habitants de l’immeuble, alors que la vieille Henriette, veuve, semble perdre la raison… Avec l’aide des habitants, Sarah et son fils, juifs, se cachent, avec la complicité des habitants de l’immeuble…
Et il y a Camille, l’époux d’Andrée, invalide de guerre qui a perdu la vue mais ressent et comprend les émotions de ceux qui l’entourent… Tout ce petit monde va traverser la guerre, entre mensonges, non-dits, folles passions, trahisons, drames et petits arrangements…
Avant même de s’intéresser au scénario, c’est le dessin plein d’élégance de Carole Maurel qui séduit le lecteur. Même lorsqu’elle n’en signe pas le scénario, chacun de ses albums met en scène des personnages complexes et attachant dont elle parvient à donner à voir et à ressentir les émotions avec une justesse désarmante et une inventivité graphique impressionnante de maîtrise…
De nombreuses séquences font montre de son talent confondant… Celle, très stylisé et joliment amené par un découpage d’une précision cinématographique, où Rose et Karl se rencontre pour la première fois est d’une force saisissante, révélant en une case la force de la passion qui les poussera l’un vers l’autre… La séquence presque muette où les deux futurs amants se retrouvent au parc est d’une infinie tendresse… La page où Simone, son carton à dessin sous le bras s’apprête à révéler sa flamme à Joséphine… La double page ou Camille, se réveille en pleine nuit en sachant qu’un drame s’est produit… Et que dire de la séquence où une foule en furie s’acharne sur des femmes dont le seul crime est d’avoir aimé… Sans parler de tous ces moments de complicités entre les personnages où Carole Maurel parvient à saisir retranscrire avec tendresse et justesse l’émotion du moment…
Navie signe un scénario plein de pudeur et de retenue mettant en scène une galerie de personnages tout en nuances et en subtilité… Le prologue permet de relier ce récit intimiste au lecteur, à travers un dialogue entre Rose devenue vieille et Virginie, sa petite fille, qui lui confie sa peur de tomber amoureuse. Bien que centré sur Rose, la narratrice du récit, l’album est un récit choral remarquablement bien construit qui montre, au sein du microcosme de l’immeuble, les portraits saisissant d’une poignée de femmes dans le Paris occupé, reflet de la France de l’époque, écartelé entre résistance et collaboration… Avec sensibilité et subtilité, Navie aborde l’extrême complexité des sentiments dans un monde en guerre… De l’entraide et de la solidarité aux mensonges et aux trahisons… et de l’amour, sentiment universel dont elle aborde avec finesse… De la naissance d’un sentiment presque contre-nature à l’essor de la passion jusqu’à à la chute, brutale et cinglante, qui nous rappelle les heures sombres de la libération
Entre mensonges et passions, suspicions et trahisons, Navie nous livre un portrait doux-amer de la France de l’époque, au travers quelques années de la vie de sept femmes partageant le même immeuble…
Le dessin plein d’élégance et de justesse de Carole Maurel met joliment en scène cette fiction historique et donne chaire à cette galerie de personnages attachants et finement travaillés qui se croisent et cohabitent au cœur des années noires…
Colaboration horizontale est un album aussi prenant que bouleversant dont le magnifique dessin est en parfaite osmose avec le récit remarquablement bien écrit…
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