Malgré son titre,
Les Gueules Rouges ne nous parlent pas de l’exploitation minière de la bauxite en Provence mais de l’improbable rencontre d’un jeune homme du Nord avec des peaux rouges participant aux représentations données par Buffalo Bill et sa troupe en Europe…
Gervais est un élève doué qui vient de réussir son certif avec mention très bien. Il aurait pu poursuivre de de brillante études et même devenir ingénieur. Mais pour son père, mineur et fils de mineur, son avenir se passera sous terre…
Alors qu’il découvre le dur travail de la mine, un événement considérable va bouleverser la vie de ce gamin : le cirque de Buffalo Bill s’arrête à Valenciennes… Rêvant de liberté, bravant les interdits parentaux, il va tout faire pour assister au spectacle, sans savoir à quel point cela va bouleverser sa vie…
Car une fois le rideau tombé, un drame va venir bouleverser le coron où il vit: la petite fille d’un bourgeois est retrouvée morte… Les soupçons s’orientent d’emblée vers ces sauvages venus d’outre Atlantique… Les sachant innocent et n’écoutant que son courage, Gervais va tout faire pour les aider à échapper aux forces de l’ordre…
Après le remarquable
Love in Vain (superbement mis en image par Mezzo), Jean-Michel Dupont signe un nouvel album captivant qui nous entraîne dans le nord de la France pour un étrange western où vont se télescoper deux cultures de prime abord très différentes…
Une fois encore, il met en scène des personnages profondément humains, décrivant avec force détails la vie des mineurs de l’époque. Par petites touches, l’auteur nous brosse un portrait saisissant du Nord, sur fond de débat sur la laïcité ou de revendications syndicales, nous montrant comment le déterminisme social enferme les hommes et les femmes dans leurs conditions, empêchant tout rêve d’ailleurs ou d’une vie meilleure. Pourtant, loin de sombrer dans le misérabilisme à la Zola, il nous esquisse le portrait d’homme du nord pétillants de vie, fier de leur métier malgré leurs conditions de vie difficiles.
Une fois encore, le dessinateur du révoltant
Championzé, du bouleversant
Young ou de l’envoûtant
club du Suicide change de style pour mettre en images ce récit plein d’humanité. Ses aquarelles semblent saisir sur le vif l’étincelle de vie qui anime chaque personnage, distillant les émotions de façon remarquable et donnant à les ressentir de façon confondante…
La couverture de l’album qui met sur le même plan gueules noires et peaux rouges s’avère particulièrement subtile et percutante…
Les Gueules Rouges est un album généreux et humaniste qui fait se télescoper le western et Germinal…
Jean-Michel Dupont et Eddy Vaccaro nous livre un western déraciné atypique et envoûtant qui nous donne à voir et à ressentir le nord à hauteur d’enfant, tout en abordant des thématiques très adultes : contexte social tendu, préjugés raciaux, relents colonialistes, combat pour la laïcité, déterminisme social…
L’épilogue du récit apporte une note d’ironie mordante, montrant qu’en matière de barbarie et de sauvagerie, l’Europe occupait alors une place de choix…