Après deux polars nerveux et visuellement époustouflants, Matz et Jef nous invitent à découvrir la vie de Geronimo, figure emblématique des luttes indiennes…
Mexique, aux alentours de l’année 1850.
Le même jour, Goyhkla, qui ne s’appelait pas encore Geronimo, devait perdre sa mère, sa femme et ses trois enfants, massacrés par les mexicains alors que lui et les hommes de sa tribu commerçaient avec le village de Janos.
Ces tragiques événements vont faire naître chez ce chaman devenu guerrier un insatiable désir de vengeance… Aprèsun raid mené contre les mexicain qui invoquèrent en vain le nom de Saint-Jérôme pour les protéger des apaches, il prendra le nom de Géronimo.
De raids en redditions, de trahisons en évasion, l’album retrace le combat perdu d’avance du dernier apache libre…
Après avoir marqué le polar de son empreinte, le scénariste s’essaye au western avec brio, choisissant pour son récit un angle d’attaque original en montrant comment l’esprit de vengeance qui animait Géronimo a pu le pousser à mésestimer l’armée américaine.
S’appuyant sur les mémoires de Géronimo, étayé par de solides recherches documentaires, le scénario dense et foisonnant de Matz nous raconte la seconde naissance de Go Khla Yeh (« celui qui bâille ») apportant un éclairage saisissant sur cette figure emblématique des luttes amérindiennes au final assez connu.
Contrairement à ce que véhicule l’imagerie populaire, Geronimo n’est pas un chef indien mais un Chaman respecté qui allait intégrer le conseil de guerre des Apaches Chiricahuas. Hanté par des visions prophétiques, dont on retrouve la trace dans de nombreux témoignages, il allait mener de nombreux raides contre le mexicains avant de s’attaquer aux américains désireux de s’approprier leur terre. A travers l’histoire de l’un des indiens les plus célèbres, Matz nous montre le choc entre deux cultures au travers de l’incompréhension des indiens de l’action des américains, prêts à détruire le territoire qu’ils souhaitent conquérir pour affaiblir les apaches.
Malgré leur infériorité numérique, les apaches ont pu tenir tête aux soldats lancés à leur recherche grâce à une connaissance aigue du terrain et leur formidable capacité à survivre en milieu hostile… Tant et si bien que mexicains et américains rechignaient à les poursuivre dans les montagnes de peur de tomber dans un guet-apens!
Sans manichéisme, il montre aussi comment certains généraux se sont efforcés de respecter la parole donnée au nom de l’armée américaine alors que d’autres, d’autres, peu scrupuleux, fermèrent les yeux sur le détournement des denrées destinées aux apaches, poussant Geronimo et ses hommes à s’enfuir de la réserve où il était parqué pour reprendre la lutte armée…
Graphiquement, Jef signe une partition magistrale. Rehaussé par une mise en couleur époustouflante et des cadrages dynamiques parfaitement maîtrisés, son trait débordant d’énergie nous entraîne dans ce XIXe siècle particulièrement crédible. La pagination généreuse de l’album lui offre la possibilité de faire montre de son talent avec de superbes illustrations pleine page et des doubles planches somptueuses qui nous permettent d’admirer tant des paysages grandioses que des cieux chatoyants…
Avec ce one-shot superbement orchestré et mis en image par un Jef une fois encore très inspiré, Matz nous invite à découvrir la révolte de Go Khla Yeh qui entra dans l’histoire sous le nom de Geronimo.
Doté d’un angle d’attaque original où l’on voit comment la haine de Geronimo envers les mexicains l’a poussé à mésestimer les américains, ce western solidement documenté pointe les mensonges et les trahisons dont furent victimes les amérindiens, spoliés de leur terre et de leur liberté, n’ayant pour choix que de reprendre les armes ou de mourir à petit feu dans des réserves qui se réduisaient comme peau de chagrin devant la cupidité des « yeux-clairs »…
Première incursion de Matz dans le western, Geronimo est indéniablement une réussite narrative et graphique…