S’il n’avait été abordé avec humour décalé,
Adieu monde cruel!
eut été un album lourd et pesant… Mais Stéphane Massard, Jean Rousselot et Nicolas Delestret savent y faire et signent une comédie dramatique pour le moins originale…
Ils sont quatre, trois hommes et une femme. Ils se sont rencontré sur internet. Ils se retrouvent sur une place d’une grande ville, abandonnent leurs portables, montent à bord de la voiture de la jeune femme… Ils ne savent rien les uns des autres mais ont décidé d’en finir ensemble avec ce monde cruel, chacun pour des raisons différentes… Un sentier forestier isolé, un poème japonais, un tuyau branché sur le pot d’échappement et ils attendent patiemment la mort comme une délivrance…
Seulement voilà, rien ne se passera comme prévu. Et comme quand on a le sentiment d’avoir rater sa vie, il peut être très énervant de rater sa mort! Même lorsqu’elle est un échec, la vie peut encore réserver bien des surprises!
Si l’histoire est une pure fiction, elle fait écho à des faits divers dramatique survenus notamment au pays du soleil levant où des gens décidés à en finir avec la vie se retrouvent anonymement pour passer à l’acte… Qu’est ce qui peut bien se passer dans la tête de ces hommes et femmes décidé à faire le grand saut ensemble? Que peuvent-ils bien se dire dans ce moment solennel?
C’est pour répondre à cette question que Stéphane Massard et Jean Rousselot se sont lancés dans l’écriture d’
Adieu Monde Cruel… Bien sûr, rien ne se passera vraiment comme prévu et la tension va rapidement monter entre les candidats au suicide, chacun imputant à l’autre l’échec de leur macabre scénario … Peu à peu le récit va imperceptiblement glisser du drame à la comédie grinçante…
Par petites touches, leur froid protocole va s’effriter. Ils vont vigoureusement échanger entre eux, d’abord pour tenter de remédier à leur première tentative avortée… Ensuite pour livrer quelques bribes de leur vie, évoquant, parfois à demi-mots, les raisons qui les ont poussé à être ici, avec eux, en ce jour funeste… et, après, qui sait, pour entrebâiller la porte donnant sur un possible avenir…
Le trait semi-réaliste et sensible de Nicolas Delestret s’avère délicieusement expressif, mettant en image avec finesse les états d’âme de chacun des protagonistes. Le dessinateur, dont a découvert le travail sur
l’Homme qui Rit (adaptation du roman éponyme de Victor Hugo scénarisée par Jean-David Morvan), met en scène des personnages touchants à qui il fait prendre des poses théâtrales souvent irrésistibles qui accentue le comique de certaines situations de façon irrésistible…
Avec une tendresse désarmante, Stéphane Massard et Jean Rousselot abordent le sujet délicat et douloureux du suicide sur un mode humoristique noir et décalé…
Joliment mis en images par le trait expressif de Nicolas Delestret, le récit s’achève sur une salutaire note d’espoir…Une rencontre suffit parfois à donner du sens à une vie…
(*)extrait de Goodbye Cruel World des Pink Floyd