Vincent Wagner, dont on avait pu apprécier le travail dans
Mysteries,
Wild river ou
l’Ami Fritz, signe seul scénario et dessins d’un album pour le moins envoûtant qui nous entraîne dans la Scandinavie médiévale.
L’histoire qui nous est conté se passe dans la Norvège du XIIIème siècle, alors que christianisme et paganisme se mêlent et s’entremêlent encore inextricablement.
Alors que Pelle supporte de plus en plus difficilement les brimades répétées d’un père brutal et cruel, sa route va croiser celle de Njal, un orphelin à la recherche de Solveig, sa sœur jumelle dont il a été séparé plusieurs années auparavant.
Ils vont unir leurs destins et tenter de mettre fin à une cruelle malédiction qui prend racine plusieurs années auparavant, dans un passé familial sanglant et tourmenté
Avant de se plonger dans la saga concoctée par Vincent Wagner, c’est graphiquement que l’album attire et accroche le regard. Porté par un encrage souple et élégant et des cadrages parfois vertigineux, il se dégage de l’album une puissance graphique pour le moins singulière.
Ses planches sont baignées d’une ambiance saisissante par d’envoûtants et inquiétants jeux de lumières alors que ses décors sont de toute beauté: de ce château froid et sinistre à souhait aux extérieurs nocturnes enneigés tout juste superbes et donnant à voir l’immensité des territoires traversés, à sentir la morsure du froid ou à entendre le son étouffé des pas dans la neige…
Construit sur le modèle des sagas nordiques mettant en scène un personnage ordinaire qui va être entraîné dans une aventure loin de l’être, le scénario de Vincent Wagner s’avère aussi captivant que son formidable travail graphique, faisant montre de ses indéniables talents de conteur…
La structure narrative de l’album s’avère particulièrement audacieuse, obligeant le lecteur à assembler les différents fragments d’une intrigue qui s’étale sur de longues années. Le prologue l’immerge d’emblée au cœur du récit, sans qu’il puisse en comprendre les tenants et les aboutissants, aiguisant par là-même sa curiosité et l’entraînant dans ce monde violent en pleine mutation. Le récit connaît des scènes oniriques et des flashback rondement menés qui nous donnent à voir une scène connue avec un changement d’angle, apportant un éclairage nouveau sur un moment charnière du récit. Enchâssé dans l’histoire, Vincent Wagner nous livre un pan de l’histoire par le truchement d’un spectacle de marionnettes, autre passion de l’auteur…
Pelle et Njal sont deux personnages très contrastés, héritiers chacun d’un lourd passé familial avec lequel ils devront se construire, malgré tout. La cruauté et la brutalité de son père aurait pu faire de Pelle un être sombre et tourmenté. Il n’en est rien : personnage courageux et lumineux, il sera le moteur même de la saga, venant en aide à Njal, jeune homme hanté par une sombre malédiction qui entrave sa quête… En apparence fortuite, leur rencontre sellera leurs destins, inextricablement liés, sans qu’ils le sachent, depuis de nombreuses années… De sombres et tragiques histoires de famille vont refaire surface, exhumant un drame ancien aux origines du mal…
Doté d’une pagination généreuse, cette saga médiévale de Vincent Wagner nous entraîne dans la violente Scandinavie du XIIIème siècle, où se mêlait encore paganisme et christianisme.
Rehaussé par un encrage élégant et épais, un découpage soigné et une mise en couleur somptueuse, Snaergard est un récit initiatique émouvant et tragique à la fois, sur fond de filiation et de malédiction… De ces histoires belles et terrifiantes dont ont fait les légendes…
Le dossier introduisant l’album s’avère passionnant, tant la préface signée par Roger Seiter présentant le concept de saga que les pages où l’auteur revient sur les coulisses de cette album ambitieux et parfaitement maîtrisé…