Avec
La Révolte des terres, Stéphane Koza et Marion Mousse nous entraînent dans le nord de la France occupée, alors que les mineurs entamaient une grève qui allait être violemment réprimée…
Printemps 1941. Alors que le bassin minier du Pas-de-Calais revêt pour l’occupant une grande importance stratégique, les mineurs se mettent courageusement en grève pour protester contre leurs conditions de travail inhumaines…
Ferdinand, jeune mineur, comme le furent son père et son grand-père, se sent peu concerné par cette agitation, préférant la solitude et la pêche aux tumultes des manifestations. Gilles, son beau-frère, va lui reprocher vertement sa lâcheté…
La répression ne se fait pas attendre. Les allemands procèdent à des exécutions, des centaines d’arrestations et de nombreuses déportations pour contraindre les mineurs à reprendre le travail. Ferdinand fait partie de ces mineurs déportés au camp de Sachsenhausen…
Stéphane Koza appuie son récit sur des événements tragiques et méconnus de la seconde guerre mondiale : les grèves des mineurs de 1941. Si les premières revendications portaient sur la dégradation de leurs conditions de travail imposée par l’administration militaire de Bruxelles auxquelles les entreprises industrielles étaient rattachées, elles se teintaient aussi de revendications plus patriotiques… Leur grève courageuse était indéniablement un acte de résistance contre les forces occupantes et elle fut réprimée comme telle. L’histoire relatée dans cet album passionnant ne le dit pas mais à l’issue de la grève, les autorités allemandes répondirent en partie aux revendications des mineurs…
Remarquablement bien construit, le récit de Stéphane Koza s’attache au destin d’un jeune mineur un peu solitaire, peu concerné par les revendications de ses pairs mais qui va se retrouver déporté avec 270 d’entre eux… Pour son malheur, lors de son arrestation, un policier laisse clairement entendre que Ferdinand a dénoncé certains de ses camarades, le faisant passer pour un traître aux yeux des autres déportés…
Construit sous forme de flashbacks entrecroisés, le scénario nous dévoile par bribe le destin de Ferdinand, des premiers mouvements de grèves aux premières répressions, de son arrestation à sa déportation… La dureté de la vie dans le camp concentrationnaire de Sachsenhausen s’avère retranscrite avec finesse… Si les brimades et les privations font partie du quotidien, de rares moments de bonheur et de fraternité viennent dissiper les ténèbres… Pour tenir, Ferdinand pourra compter sur l’amitié d’un anarchiste allemand qui partage son baraquement… Parallèlement, on suit sa sœur qui, en 1945 dans l’Hôtel Lutetia, attend désespérément des nouvelles de son frère déporté et qui laisse planer le doute sur l’issue de l’histoire…
C’est peu dire que Marion Mousse a fait un formidable travail graphique sur cet album et on ne peut qu’être impressionné par sa capacité à adapter à chaque fois son style à l’histoire qu’il met en image… Ses lavis sont tout juste superbe et font ressortir avec force l’aspect dramatique du récit en posant une atmosphère lourde et pesante. En plus d’être magnifique, la couverture de l’album montrant Ferdinand en mineur indécis et en prisonnier résigné est superbement composée.
La Révolte des Terres est un album particulièrement poignant.
En s’attachant au destin de Ferdinand, un jeune mineur déporté et pourtant étranger aux mouvements de grève, Stéphane Koza rend hommage à tous ces anonymes, ses hommes et ses femmes ordinaires qui firent de leurs revendications un acte patriotique, et entrèrent en résistance avec d’autant plus de courage qu’ils le firent en pleine lumière…
La structure audacieuse du récit dévoilant par bribe le destin du jeune homme s’avère d’une redoutable efficacité alors que les lavis de Marion Mousse soulignent avec subtilité l’atmosphère lourde et pesante du récit, laissant poindre de salutaires lueurs d’humanité au cœur même des ténèbres…