Pour son premier album publié en France, Borja Gonzalez signe un album aussi poétique et envoûtant que déroutant, tant pour son graphisme épuré d’une rare élégance que pour l’ambiance qui baigne son récit écartelé entre deux époques…

Gloria, Laura et Cristina ont formé un groupe de punk qu’elles ont baptisé The Black Holes en hommage à Stephen Hawking…

Au fil des répétitions, leurs compositions et leurs textes s’affinent… Ce que les autres ignorent, c’est que l’une d’entre elle ressent une puissance et mystérieuse réminiscence de vies passées et d’évènements s’étant déroulé il y a cent soixante ans…

C'est graphiquement que l'album accroche tout d'abord l'oeil. Borja Gonzalez réalise un travail graphique envoûtant et pour le moins atypique... Son trait élégant donne vie à des personnages au style épuré dénués de visages. Ce faisant, le lecteur peut y projeter son ressentit et contribuer par la même à la construction narrative de l’album. Mais bien que dénués d'expression, ses personnages n'en restent pas moins très expressifs de par leur posture et leur gestuelle délicieusement théâtrale.
Si les protagonistes s’incarnent de façon subtile, esquissant des personnages évoluant à la lisière qui sépare le rêve de la réalité, la nature irréelle et foisonnante s’avère être un personnage à part entière, alors que le lac est l’axis-mundi autour duquel gravitent deux groupes de personnages vivant à deux siècles de distance… Dénué de perspectives, l’univers en deux dimensions mis en image par l’artiste accentue l’aspect théâtral et intemporel du récit…

Et si le graphisme envoûtant est la porte d’entrée de ce récit écartelé entre deux époques, le scénario s’avère aussi troublant que captivant… Bercé par cette atmosphère irréelle suggérée par le dessin, le lecteur s’interroge, ne sachant laquelle des deux histoires est réelle (si tant en soit est que l’une le soit !), et laquelle est onirique… Les ponts jetés entre ces deux époques esquissent les contours d’un labyrinthe narratif dans lequel il fait bon se perdre alors que les transitions d’un récit à l’autre s’avèrent être aussi subtiles qu’esthétiques.

Pour son premier album publié en français, Borja Gonzalez fait montre d’un talent saisissant, tant dans son dessin épuré et iconoclaste qui pose une atmosphère emplie de mélancolie et de poésie, que dans son scénario évanescent qui oscille entre songes et réalité…

Graphiquement envoûtant, The Black Holes poursuivra durablement le lecteur avec ses deux récits parallèles séparés de plus d’un siècle et mettant en scène des personnages sans visage aux postures délicieusement théâtrales qui font naître de troublantes émotions…