Corum Jhaelen Irsei n’est peut-être pas le plus célèbre des Champions Eternels, Elric de Melniboné et Dorian Hawkmoon lui volant la vedette… Mais il n’en reste pas moins un héros emblématique de l’œuvre de Michael Moorcock… Aussi est-ce avec un immense plaisir que nous découvrons, enfin disponible en français !, cette œuvre mise en image par l’alors jeune Mike Mignola…

Corum est envoyé par son père, le Prince Khlonskey, pour s’enquérir des Vadhaghs sur d’autre plans d’existence, ses dons occultes amoindris l’empêchant de les contacter directement… Il n’y trouve que mort et désolation semées par les Mabdens, une race barbare et sanguinaire serviteur du Chaos qui semble décidée à mettre un terme aux deux races antiques que sont les Nhadrags et Vadhaghs…

Lorsqu’il revient à Castle Erorn, il est trop tard pour empêcher les Mabdens d’occire sa famille. Capturé par le cruel comte Glandyth-a-Krae, il est torturé et amputé d’une main et d’un œil avant de parvenir à échapper à ses bourreaux… Il est recueilli et soigné par Rhalina, la margravine du mont Moidel dont il tombe amoureux. Son sorcier remet à Corum les armes nécessaires à sa légitime vengeance pour remplacer ses organes amputés : la Main du dieu Kwll et l'Œil de Rhynn…

Paré à affronter les Seigneurs des Epées, dieux du Chaos à l’origine de ses malheurs, Corum, le Prince à la robe écarlate qui avait jusqu’alors consacré sa vie à l’introspection et aux arts, va devoir apprendre à tuer…

Cette jolie édition de Corum est l’occasion de découvrir une nouvelle incarnation du Champion Eternel, un héros tourmenté qui connaît de multiples existence en différents endroits du Multivers dont la destinée sera, nécessairement tragique mais dont le sacrifice annoncera l’avènement d’une nouvelle ère. Mais cet album est aussi l’occasion d’apprécier l’œuvre de jeunesse de celui qui est depuis devenu l’un des grands artistes du neuvième art.

Si son trait est déjà sûr et fait montre de grandes qualités, le dessinateur n’a pas encore développé son style inimitable et reconnaissable entre tous : un dessin énergique, anguleux et épuré ; une approche graphique quasi sculpturale rehaussé par un encrage esthétique et un traitement si particulier des ombres avec de grand aplats de noir… Mais on perçoit déjà sa formidable capacité à poser une ambiance et un sens aigu de la mise en scène. La colorisation de Ripley Thornhill et Linda Lessmann apporte une touche délicieusement désuète à l’ensemble tout en renforçant l’atmosphère fin de règne qui baigne l’histoire de bout en bout…

Le scénario de Mike Baron rend justice à l’œuvre de Michael Moorcock en retranscrivant les lignes de forces du récit, le caractère si particulier de Corum et le romantisme sombre et tragiquement poétique qui baigne le récit originel…

Les lecteurs francophones auront dû patienter plus de trente ans avant que de pouvoir lire ces aventures de Corum Jhaelen Irsei, Prince à la Robe Ecarlate, scénarisé par Mike Baron et mis en image par un jeune dessinateur promis à un bel avenir : Mike Mignola… L’occasion de découvrir un artiste en devenir qui, s’il n’avait pas encore développé son style si caractéristique et les univers gothiques qui firent sa renommée, possédait déjà talent certain pour la composition de ses planches, la mise en scène et la mise en place d’ambiances singulières.

Né sous la plume de Michael Moorcock à l’aube des années 1970, Corum est l’une des incarnations du Champion Eternel, gardien de la Balance Cosmique et de dernier représentant d’une race ancienne… Inspirées de la mythologie celtique-, ces chroniques raviront les amateurs de récits légendaires qui suivront avec plaisir les aventures tragiques de ce Prince mutilé…

- Tue moi Vadhagh ! Je t’en conjure !
- Je ne sais pas tuer.
- Alors tu dois apprendre, Vadhagh ! tu dois apprendre !Dialogue entre Corum et un Nhadragh