Il est des albums dont le seul nom des auteurs suffit pour nous donner la furieuse envie de les lire… Tel est clairement le cas avec ce
Putain de salopard qui voit Régis Loisel, Olivier Pons et François Lapierre unir plumes, crayons et pinceaux pour un récit d’aventure superbement orchestré…
Aéroport de Kalimboantao, Brésil, 1972. Max Heurtebise débarque guitare sur le dos à la recherche d’un père qu’il n’a pas connu et dont il ignore jusqu’à l’identité… Il vient d’enterrer sa mère qui ne lui a laissé pour tout héritage que deux photos d’elle et lui enfant en compagnie de deux hommes différents… Pour Max, l’un de ces deux hommes ne peut qu’être son père et c’est pour le retrouver qu’il a pris l’avion pour revenir sur ces terres où il a passé les trois premières années de sa vie.
Fraîchement débarqué, il fait la connaissance de deux jeunes femmes venues retrouver une de leur amie… Ces trois délurées vont lui donner un coup de main pour amorcer son enquête qui va le conduire vers un camp forestier perdu au cœur de l’Amazonie… Mais bien vite le vernis d’exotisme va se craqueler, révélant un territoire gangréné par la violence où la vie n’a aucune valeur…
Après
Peter Pan,
Magasin Général et
le Grand Mort, Régis Loisel fait une nouvelle fois montre de ses talents de conteur. Il prend le temps nécessaire pour poser décors et personnages, rendant son histoire particulièrement immersive en distillant une atmosphère délicieusement insouciante… Chargés d’humour et rafraîchissant, ses dialogues permettent au lecteur de découvrir par petites touches le caractère des protagonistes principaux qui s’avèrent être profondément humains et par là-même particulièrement attachants.
Et puis, soudainement, tout bascule au détour d’une piste… La violence et l’âpreté de l’Amazonie s’invite à la fête, faisant basculer le récit et voler en éclat la légèreté des premières pages, rendant par là-même le récit plus efficace encore… La naïveté et l’idéalisme de Max, Corine, Cristelle et Charlotte contraste avec la noirceur des hommes qu’ils rencontrent et qui sont tous, à des degrés divers, de parfaits salopards…
Sublimé par le talent de François Lapierre qui signe une mise en couleur de haute volée, le dessin délicat d’Olivier Pont est une fois encore une petite merveille d’autant qu’il est. Savamment travaillés, son découpage précis et ses cadrages soignés confèrent à l’ensemble une dimension résolument cinématographique. Il compose avec soin des décors luxuriants foisonnent de détails et insuffle la vie à ses personnages grâce à un trait vif et formidablement expressif. Dès les premières cases, Max nous paraît comme éminemment sympathique, de même que les « 3 C » dont il parvient à retranscrire avec une rare justesse les émotions et les sentiments.
Superbement composée, la couverture est de celle qui accroche le regard et entraîne d’emblée le lecteur dans un univers où la nature luxuriante sera à n’en pas douter un personnage à part entière…
L’association d’artistes de la trempe de Régis Loisel, Olivier Pons et François Lapierre laissait augurer une œuvre magnifique et entraînante… Et le fait qu’Isabel, premier opus de ce qui et pour l’heure annoncé comme une tétralogie s’avère particulièrement captivant. La rencontre de ces artistes apparaît presque comme une évidence tant l’histoire et le dessin se complètent et s’enrichissent de façon saisissante…
Avec une parfaite maîtrise narrative, l’inénarrable Régis Loisel prend le temps de le poser le décor et d’esquisser, par petites touches, le portrait des principaux personnages qui s’avèrent être particulièrement crédibles et attachants. Mais soudain, la violence s’invite dans la danse et vient ternir l’atmosphère insouciante qui baignait jusqu’alors le récit… Les auteurs tissent alors un récit choral particulièrement enthousiasmant qui séduira par ses accents féministes puisque, excepté Max, les hommes s’avèrent être tous peu ou prou des graines de salopards…
Sous ce titre surprenant qui claque autant qu’il intrigue se cache l’amorce d’une série plus que prometteuse dont il nous tarde de lire la suite…
- Comment ça ? Ta mère ne t’a jamais montré de photos de ton père ?
- Non, il n’y en avait pas à la maison. Je n’ai jamais su ce qu’il s’était passé entre eux… Quand j’ai eu l’âge de savoir, elle m’a très vite fait comprendre que ce n’était même pas la peine de l’évoquer. Sujet tabou !
- C’est dingue ça ! Mais plus tard, t’as pas essayé de contacter un oncle, une tante, je ne sais pas moi. Bref, sa famille…
- J’ai bien voulu mais quand tu ne connais même pas son nom, comment tu fais ?dialogue entre Max et les « 3 C »