Haut de page.

Hippolyte
Hippolyte



Fiche descriptive

Western

Clotilde Bruneau

Carole Chaland

Carole Chaland

Vents d'Ouest

26 Février 2020


19€95

9782344026359

Chronique

Elles étaient une fois dans l'Ouest. 1872, Hippolyte. Dans cette ville fantôme perdue en Arizona, la population s'élève à 27 âmes : 27 femmes. Cette communauté d'amazones du désert a su rester discrète, bien que vivant des attaques de diligences et convois qui passent dans la région.

Mais la cohésion de ce groupe si soudé ne tarde pas à être ébranlée alors qu'elles capturent un homme qui enquête sur elles depuis plusieurs mois. Sans parler d'une ancienne connaissance qui refait surface après une dizaine d'années pour récupérer son butin...
un bon album !


Une mythologie du Far West
1872, en plein désert de l’Arizona, au fond d’un canyon reculé dissimulé aux yeux de tous, un village de roulottes s’est installé. Il compte 27 âmes, toutes des femmes, qui l’ont baptisé « Hippolyte » en hommage à la reine des Amazones de l’Antiquité.

Elles vivent de rapines, attaquent des diligences et ont pactisé avec le maire de la ville voisine pour qu’il n’évente pas leur existence. Vivant cachées, elles vivent heureuses jusqu’au jour où un enquêteur zélé découvre leur repaire et où une ancienne connaissance, disparue depuis dix ans, refait soudain surface …

Hippolyte, planche de l'album © Vents d'Ouest / Chaland / Bruneau
No man’s land
La scénariste Clotilde Bruneau qui s’était fait remarquer sur la série « La Sagesse des mythes » met à profit sa connaissance de la mythologie pour revisiter, à sa façon, le mythe des Amazones. Le lien avec l’histoire antique est d’emblée souligné en 4eme de couverture de l’album par l’article factice de dictionnaire qui est mis en exergue : « du grec ancien Hippolutos : « qui délie » ou « qui dompte les chevaux » 1. Reine des Amazones, fille d’Arès 2. Ancienne ville minière d’Arizona habitée exclusivement par des femmes ».

On retrouve en effet dans les héroïnes des caractéristiques des amazones antiques : elles vivent au bord d’une rivière (le fleuve Thermodon dans l’Antiquité) ; ce sont des cavalières émérites ; elles vivent sans hommes et en disposent comme elles le veulent (la relation entre Victoria et le jeune télégraphiste) ; enfin, elles organisent leurs vies autour de la chasse et de la guerre et leurs « reines » connaissent un destin tragique.

Mais la grande originalité de cette bande dessinée c’est d’avoir fusionné cet univers mythologique antique avec une mythologie des temps modernes : celle du western.

Hippolyte, planche de l'album © Vents d'Ouest / Chaland / Bruneau
Cowgirls’ power
Dans la distribution quasi exclusivement féminine (les hommes meurent rapidement et sont au mieux réduits à des seconds rôles !) on retrouve les archétypes du film de genre : Victoria, la brune taciturne cheffe de guerre ; Jo, la métisse ; Abby la doyenne alcoolique, Augustina la jeune blanc bec impatiente et imprudente et puis bien sûr celle par qui le malheur arrive : l’ex-rivale revenue de nulle part aux motivations bien complexes…

Les décors sont eux aussi bien familiers : une ville fantôme ; une ville minière en pleine récession avec son général store, son saloon, son bureau de poste et ses habitants abrutis par la chaleur et l’alcool ; d’immenses étendues désertiques.

On retrouve enfin des scènes obligées : des filatures par un chasseur de primes, des scènes de beuverie, des attaques de diligence et des embuscades dans une mise en scène qui rend une fois encore hommage aux grands westerns.

On trouve ainsi dans l’album des plans d’ensemble en plongée dans de superbes pleine pages aux tons orangés ; un travelling avant magnifique dans la double première page qui semble sortie tout droit de « il était une fois dans l’Ouest », de nombreux inserts, des plans américains à n’en plus finir… Bref la grammaire du genre est parfaitement maîtrisée par Carole Chaland dont c’est la première incursion en bande dessinée mais qui a travaillé dans l’illustration et le jeu vidéo et ça se voit pour les scènes d’actions dans lesquelles le mouvement est parfaitement rendu ! On notera également une attention particulièrement soignée au graphisme des onomatopées qui donne un grand dynamisme aux pages.

Histoires de femmes
Les femmes dans le western sont à la mode : on pensera dans une veine parodique (voire trash !) à la « Perdy » de Kickliy ou encore aux cowgirls du « Mondo reverso » de Bertail et Le Gouefflec et à l’Emily vengeresse de « La Venin » de Laurent Astier dans une veine plus classique mais c’est la première fois que deux jeunes femmes sont aux crayons !

Hippolyte, planche de l'album © Vents d'Ouest / Chaland / BruneauOn trouve ainsi une profondeur dans les portraits féminins qu’on n’avait pas forcément dans les ouvrages précédents (le Astier excepté). Même si cette société matriarcale est très hiérarchisée, que des inimitiés existent et qu’elles sont tout sauf feutrées, les décisions sont prises à la majorité et toutes sont réunies par un idéal commun : ne plus dépendre des hommes et récuser la soumission. Ceci acquiert une résonnance particulière dans le contexte actuel et renvoie aux questionnements sur la place de la femme dans la société. En ce sens, cet album peut être rapproché d’une autre bande dessinée : le célèbre comics « Wonder woman » dont le premier volume, paru en 1941, avait pour but de permettre l’identification des jeunes lectrices à la princesse Diana fille d’Hippolyte reine des Amazones (tiens, tiens… ) qui quittait son île paradisiaque pour faire régner la justice et aider l’Amérique. Cette troisième mythologie du comic et des super héros apparait en filigrane dans le façonnage de l’album : le sertissage de certaines planches de gris foncé et de noir, le gaufrier où parfois les vignettes se multiplient et se réduisent, les trames apparentes et les couleurs tranchées.

Mais dans « Hippolyte » les femmes ne sont pas des super héroïnes et leur intérêt naît, au contraire, de leurs travers, de leurs faiblesses, de leurs secrets de famille. Et c’est d’ailleurs la seule frustration qu’on a dans l’album : on a parfois l’impression que certains personnages sont trop rapidement expédiés et même réduits parfois à l’état de silhouettes (même si là encore on doit saluer le remarquable travail d’individualisation effectué par Carole Chaland qu’on peut d’ailleurs admirer dans les pages de chara design du cahier graphique final). On aimerait vraiment les voir développés et comprendre davantage les raisons qui les ont fait venir à Hippolyte. Hippolyte, planche de l'album © Vents d'Ouest / Chaland / BruneauCe sera peut-être le cas : les autrices évoquent leur volonté de se replonger dans cet univers en créant des « spin-offs » qui développeraient certaines des héroïnes.

Il ne reste plus qu’à souhaiter que cet album rencontre le succès qu’il mérite pour que ce beau duo d’autrices se reforme rapidement !

Dans ce one shot Clotilde Bruneau et Carole Chaland (dont c’est la première incursion en bd) revisitent le mythe des Amazones en le transposant dans l’univers du Western. Elles reprennent fidèlement les codes du genre tout en les subvertissent grâce à ce mélange inédit. Leurs héroïnes sont moins des pétroleuses parodiques que des individus meurtris par la vie qui permettent également un questionnement toujours très actuel sur la place des femmes dans la société.

L’ensemble est extrêmement dynamique tant dans le découpage et les cadrages , les couleurs et la mise en page lorgnent aussi du côté des mangas et des comics. Un premier essai très prometteur !


- « Moi je voudrais juste aller à un raid, pour commencer. Mais Victoria, comme d’habitude, elle veut pas, alors …. Elle arrête pas de faire comme si elle était la reine d’Hippolyte.
- Hippolyte …. C’est qui ce type, encore ! ?
- C’est pas un type crétin ! C’est le nom de notre cité ! Tu ne connais rien, toi . On est dans une ville cachée. Personne ne sait qu’on existe ! On pille et on se cache ici, comme les pirates dans les livres. Sauf que nous, personne ne pourra jamais nous vaincre. On est trop fortes pour ça ! »(L’enquêteur et Augustina p.32-33)

bd.otaku



Inspiration jeux de rôle

Cette fiche n' est référencée comme inspi pour aucun jeux de rôle.