1666, âge d’or de la piraterie. Raven est un pirate rebelle à toute autorité et épris de liberté. Capable d’exploits éclatants, il accumule aussi les bourdes légendaires lui valant la réputation d’un porte guigne chez les frères de la côte…
Alors que se profile une expédition sur Maracaïbo, Raven préfère s’intéresser à l'impitoyable Lady Darksee, femme pirate à la réputation sulfureuse… Apprenant fortuitement que le mythique trésor de Chichén Itzá est tout sauf une légende, il décide de devancer la belle sur Morne au Diable, île volcanique et inhospitalière peuplée de cannibales, pour faire main basse sur l’or aztèque envoyé par Cortès au roi espagnol…
Embarquant à bord du Neptune en compagnie de Xavier Dorison, Mathieu Lauffray avait fait souffler un revigorant vent de fraîcheur et d’aventure sur les récits de pirates, faisant de la tétralogie
Long John Silver une référence en la matière… Le voilà qu’il se lance, seule à la barre, sur un océan déchaîné pour nous conter la vie mouvementée de Raven, un pirate haut en couleur qui serait promis à un bel avenir s’il n’était poursuivi par la guigne…
Dès la première planche, le lecteur est immergé (au sens propre du terme) en compagnie du héros que l’on découvre en bien fâcheuse posture : attaché à une ancre plongée dans l’océan… Comment est-il arrivé là ? Tel est justement le propos de l’album…
L’auteur prend un plaisir jubilatoire et bougrement communicatif à mettre en scène ce pirate talentueux mais malchanceux et à le mettre dans des situations inextricables dont il se sort pourtant in extremis. Jouant avec art des ellipses, il chapitre son récit avec une redoutable efficacité, ne laissant pas au lecteur le temps de reprendre son souffle… L’auteur joue avec les références du genre, rendant à travers une scène un hommage saisissant au
Pirates de Polanski, donnant à des personnages secondaires des noms inspirés de héros de la BD franco-belge ou campant des poses nonchalamment maltesienne à son inquiétante Lady Darksee… Mathieu Lauffray prend le temps de poser chacun de ses personnages avec un récit choral joliment rythmé avant de les réunir, pour le meilleur et pour le pire, dans un environnement hostile où ils vont s’affronter… Les acteurs sont en place, le décor est posé, place à la grande aventure !
Mais si l’auteur signe un scénario rythmé faisant la part belle à l’action, la force de l’album réside en ce que l’auteur le met en scène avec la virtuosité qui est sienne, signant des planches de toutes beauté. Formidablement énergique, son dessin vous prend aux tripes et vous entraîne au cœur de l’action avec une facilité désarmante.
Son découpage est, comme de coutume, tout juste épatant alors que ses cadrages ciselés renforcent avec force la dramaturgie de chaque scène. Jouant avec les codes du genre, ses compositions s’avèrent ébouriffantes, telle la scène d’ouverture, intensément dramatique, ou celle d’abordage qui en une double page résume la fureur des combats et la violence qui s’y déchaîne… Chacune de ses cases fourmillent de détails qui contribuent à poser cette délicieuse atmosphère aventureuse alors que la posture savamment étudiée de chacun des personnages leur confère un charisme saisissant et prestance fascinante…
Ce premier opus de Raven faisait partie des albums très attendu de ce premier semestre. Revenant dans les caraïbes après son somptueux et dantesque Long John Silver, Mathieu Lauffray nous conte la vie d’un pirate talentueux et intrépide qui serait promis à une belle carrière s’il n’était poursuivi par une indicible malchance… La preuve en est : à cause d’un virus, la sortie de ce premier tome a été reportée de quelques mois !
Les pirates dépeint par l’auteur ont tous une revanche à prendre sur la société qui en a fait des parias et ce désir de vengeance anime tant Raven que la belle et mortelle Lady Darksee à qui notre héros ne pardonne pas de sacrifier sa liberté pour une chimérique amnistie royale, lui qui ne fait preuve d’aucune prudence pour conserver son indépendance… L’action et l’aventure sont au cœur de ce récit truffé de références et sublimé par le talent de conteur et de metteur en scène et de coloriste hors-pair de l’auteur…
Graphiquement somptueux, ce premier tome pose les bases solides d’un récit de piraterie au rythme endiablé qui a toutes les chances de s’imposer comme une référence… Il nous tarde de retrouver l’intrépide Raven et la dangereuse et énigmatique Lady Darksee, loin d’avoir dévoilé tous ses mystères…
- Tim, espèce d’oursin galeux ! Je suis content de te voir !!
- Raven, tu reviens seul, une fois de plus. Black Vine n’aurait pas dû t’embarquer. On l’avait pourtant bien prévenu.
- Cesse ton numéro vieux triton, tu te répètes et tu ne sais rien.
- Je sais ! Raven porte le malheur partout où il pase.
- Peut-être bien, Tim le radoteur. Mais tu verras avant peu je reviendrai sur un grand navire, MON navire. Et toi tu seras toujours cloué à ta planche, comme la moule que tu es.dialogue entre Raven et Tim