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Gentlemind, épisode 1
Gentlemind



Fiche descriptive

Roman Graphique

Gentlemind

Tome 1

Juan Diaz Canales, Teresa Valero

Antonio Lapone

Antonio Lapone

Dargaud

21 Août 2020


18€

9782205076370

Chronique
Gentlemind, épisode 1
Un rêve de papier glacé

New-York, 1940. Navit, une jeune artiste désargentée, hérite d'un journal de charme quelque peu désuet : Gentlemind.


Combative, intelligente et audacieuse, elle s'improvise patronne de presse et se lance le défi insensé d'en faire un magazine moderne.

Hantée par le souvenir de son amant disparu sur le front en Europe, elle doit affronter la réalité d'une société américaine en plein âge d'or mais résolument machiste...
un chef d'oeuvre!


Un rêve de papier glacé
Gentlemind, planche du tome 1 © Dargaud / Lapone / Canales / ValeroBrooklyn 1939, Arch et Navit vivent d’amour et … de pas grand-chose d’autre ! Ils tentent de percer dans leur art - il est dessinateur de presse, elle est danseuse de revue - mais il y a beaucoup de candidats et peu d’élus dans ces théâtres et magazines qui pullulent au pays de Roosevelt. Un jour, lors d’un entretien chez le magnat Powell, Arch laisse tomber de son carton un croquis représentant sa fiancée. L’industriel tombe immédiatement sous son charme et lui propose un marché : le jeune homme lui présentera sa belle et il sera embauché à « Gentlemind » son magazine de charme. Le ver est dans le fruit : malgré son succès croissant, Arch ne se remet pas d’avoir « vendu » Navit qui , quant à elle, accepte une liaison avec Powell pour s’en sortir. Le dessinateur s’engage dans l’armée et part se battre en Europe, en 1942. Navit accepte d’épouser son patron qui décède peu après. L’ex-épouse et son consortium d’avocats veulent la déshériter, mais avec l’aide d’un jeune avocat d’affaires, Trigo, qui ne supporte plus les faux-semblants de son métier, elle déjoue leurs manigances et se retrouve millionnaire et directrice du magazine.
« Gentlemind » est en faillite : il faut absolument se renouveler pour en faire une revue unique. Navit, épaulée par Trigo, se met à la tâche…


« Gentlemind », c’était un peu l’arlésienne de la bande-dessinée : cela faisait tellement longtemps qu’on entendait parler de ce projet et qu’on l’attendait sans rien voir venir, qu’on s’était peu à peu résignés à ce qu’il n’aboutisse pas…. Gentlemind, planche du tome 1 © Dargaud / Lapone / Canales / ValeroEt puis finalement, délicieuse surprise l’annonce tomba en plein Covid : Diaz Canales scénariste espagnol de l’incontournable « Blacksad » et du nouveau « Corto Maltese » et sa compagne Teresa Valero connue pour la belle trilogie « Curiosity shop » s’alliaient à Antonio Lapone spécialiste ès-fifties pour nous concocter une histoire d’émancipation et un hommage à la presse américaine.

L’envers du décor
Le New-York décrit par le trio apparaît comme une ville impitoyable dans laquelle les artistes n’ont d’autre choix pour survivre que de se compromettre tandis que des avocats sans scrupules défendent les intérêts de grandes multinationales au détriment des droits des plus faibles, même quand ils sont eux-aussi des immigrés de fraîche date…

C’est donc une ville où l’on perd facilement sa dignité et ses amours … Durant ces 88 pages, les personnages ne cessent d’évoluer et acquièrent une réelle profondeur.

Un récit d’émancipation
Gentlemind, planche du tome 1 © Dargaud / Lapone / Canales / ValeroComme le montre la splendide couverture de l’édition standard, on a affaire à un récit d’émancipation : Navit, la belle jeune femme issue d’une famille juive traditionnelle part à la conquête de New-York. Cherchant à fuir la misère (tout aussi bien peut-être que le racisme ambiant), elle se rebaptise Gina Majolie et devient célèbre. Par sa liaison scandaleuse d’abord qui fait la une des journaux people puis par sa photo sur la couverture des magazines ensuite. Mais les auteurs la font se servir de son corps dans une société machiste et patriarcale comme d’une arme pour mieux lutter contre cette dernière ; En effet, l’épisode 1 montre son affranchissement progressif.

Lorsqu’elle hérite, elle refuse de perpétuer la tradition des Powell Follies et ne veut pas du théâtre : elle ne se place donc pas du côté de l’exploitation du corps des femmes. De même, après sa une spectaculaire, elle bannit les pinups de ses couvertures. En revanche, elle agit comme un diffuseur, via son magazine, de l’intelligence féminine : elle fait intervenir des femmes pour bousculer le côté stéréotypé et daté du journal et elle embauche une jeune immigrée photographe de talent pour des reportages sociétaux. Grâce aux femmes donc, la revue « Gentlemind » perd de sa frivolité, acquiert de la dignité et prend un nouveau départ La réciproque est vraie : grâce à la revue, Navit trouve une raison d’être (Trigo aussi d’ailleurs) et la jeune reporter également. En effet, ce personnage secondaire demeure encore assez mystérieux mais il apparait comme un double de l’héroïne (bien que douée, elle doit se résoudre à faire des photos de touristes sur Coney Island et brader son talent pour survivre avec son enfant. Elle semble, en outre, avoir dû fuir l’Europe donc elle est peut-être juive aussi). C’est donc une ode à cette presse qui fit découvrir des romanciers talentueux , tels Fitzgerald ou Hemingway, des illustrateurs et de grands reporters photographes, mais c’est aussi et surtout une ode à la femme.

Un dessin au diapason
Qui d’autre qu’Antonio Lapone pouvait donner vie à ce passionnant récit à la « Mad Men » ? Cet héritier d’Yves Chaland, de Serge Clerc et du style atome affectionne depuis toujours l’imagerie américaine des années 1950. Gentlemind, planche du tome 1 © Dargaud / Lapone / Canales / ValeroOn l’a vu dans « Adams Clark » et son artbook « The New Frontier » notamment. Comme il le déclare lui-même : ses « racines graphiques plongent dans le monde de la création publicitaire, les portfolios d’affichistes ou les croquis de mode. Nombre de pages de magazines des années ‘50 et ‘60, un univers fait d’élégance et de compositions graphiques, sont une source intarissable d’inspiration ». On retrouve l’influence ainsi de Marcello Dudovich, un des pères de l’affiche publicitaire italienne moderne ou encore d’Achille Luciano Mauzan et Leonetto Cappiello, avec leurs jeux de contrastes entre le noir et le rouge dès la couverture et il adopte leur palette de couleurs. On peut même dire que le héros Arch est comme une mise en abyme du dessinateur car il utilise le même astérisque en guise de point pour sa signature et que ses affiches, dans un savant jeu de miroirs, rappellent la composition des tableaux de Lapone.

Les planches sont extrêmement variés tant dans le format des cases - illustrations pleines pages qui reproduisent de vraies-fausses couvertures de magazines ; doubles pages montrant les kiosques de journaux débordants ou la rédaction du journal – que dans leur disposition et leur palette de couleurs. Gentlemind, planche du tome 1 © Dargaud / Lapone / Canales / ValeroLe dessinateur crée constamment des ambiances différentes ; on a une impression d’urgence, de profusion et de mouvement grâce au crayonné apparent qui retranscrit bien également le rythme de la grande ville. Certains diront que le dessin en devient parfois peu lisible, je préférerais penser qu’il est emporté par l’élan qui anime les protagonistes et que ce côté virevoltant mime l’exaltation et le dynamisme des héros.

Ce tome introductif est réussi tant au niveau du scénario que de sa mise en images. Il embrasse brillamment plusieurs genres et les transcende. On ne sait si l’on est devant une évocation historique des années 1940, une satire du rêve américain, une saga entrepreneuriale à la « Largo Winch » en jupons, une comédie dramatique ou romantique avec des triangles amoureux qui se démultiplient. Tout cela donne une œuvre riche dont l’humour est loin d’être exclu (ah, la scène du brainstorming au champagne !).
C’est une fiction enlevée avec un Lapone inspiré. On a envie d’adresser aux auteurs les propos si joliment tournés qu’ils ont mis en exergue. En effet, grâce à cette femme et ces deux « hommes créateurs de fiction (…)à leurs mots et à leurs images, nous voyons à chaque fois le monde avec des yeux neufs ». Vivement la suite (et la fin) !
Gentlemind, planche du tome 1 © Dargaud / Lapone / Canales / Valero
On n’y croyait plus et pourtant il est là ! « Gentlemind épisode 1 » avec Canales et Valero au scénario et Lapone aux pinceaux. Et le voyage dans le New York des années 1940 vaut le détour.

On suit l’irrésistible ascension de la jeune et belle Navit qui va prendre en mains un journal de charme désuet et en faillite pour le hisser au sommet du paysage éditorial. Tout cela au détriment de son histoire d’amour avec le dessinateur de talent Arch Parker et avec l’aide de Trigo un ancien avocat d’affaires sans scrupules qui s’est amendé.

Cette histoire passionnante se traduit en images virevoltantes, chatoyantes et éblouissantes d’un dynamisme et d’un charme fou. Ce beau récit d’émancipation a un côté « Mad men » et est à la fois une ode à la presse d’antan et à la femme. A lire d’urgence !


-Ensemble nous pouvons hisser « Gentlemind » au sommet du paysage éditorial. Pour cela, il nous faut des contenus nouveaux, audacieux, qui passionnent l’homme d’aujourd’hui. Nous avons besoin de vos idées ! Vous avez travaillé pendant des années dans une revue masculine. Vous êtes tous des hommes, pour l’amour de dieu ! Si vous en savez pas ce qui plaît aux hommes, alors qui ?
- Leurs mères
- Comment ?
- Leurs filles, leurs femmes, leurs sœurs, leurs maîtresses. Nous avons besoin de femmes.Trigo et Navit p. 48

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