Hélène Jégado est née le 17 juin 1803 à Plouhinec dans le Morbihan. Elevée dans les superstitions et la peur de l’Ankou, ouvrier de la Mort chargé de collecter les anaons, elle va revêtir le rôle de passeur d’âme pour exorciser ses angoisses enfantines…
Après avoir tué sa mère, elle va semer la mort, empoisonnant plats et gâteaux qu’elle prépare à ses maîtres et maîtresses et leurs serviteurs… Elle est condamnée à mort pour cinq meurtres mais c’est près de quatre-vingt qui lui sont imputés, faisant d’elle l’une des plus prolifique tueuse en série de l’histoire de l’humanité…
Après
Le Montespan,
Je, François Villon,
Le Magasin des suicides et
Charly IX, c’est donc au tour de
Fleur de Tonnerre de connaître une adaptation en bande-dessinée après avoir inspiré à Stéphanie Pillonca son film éponyme…
Le scénario concocté par Jean-Luc Cornette met en scène un personnage glaçant que l’on découvre petite fille, tellement étouffée et hantée par la peur de la mort et les superstitions qu’elle allait, à l’instar de l’inquiétant et légendaire Ankou, devenir l’ouvrière de la mort… Celle qui fut surnommée par sa mère Fleur de Tonnerre, se donne pour mission de faucher les vies et collecter les âmes de ceux qui ont le malheur de croisée sa route… Hommes, femme, jeunes, vieillard ou enfants, de presbytères en maisons bourgeoises, Hélène Jégado frappe sans distinction d’âge, de sexe ou de classe sociale, sans éprouver ni haine ni passion… Folle, Hélène Jégado l’était sans nul doute et sans doute aurait-elle donnée du fil à retordre à des profileurs contemporains tant ses victimes n’avait aucune caractéristique type parmi ses victimes…
Difficile de ne pas tomber sous le charme des planches de Jürg dont le trait semi-réaliste et élégant parvient à restituer avec finesse l’aspect dual du roman de Jean Teulé qui s’avère tout à la fois profondément tragique et irrésistiblement comique, par le truchement de ces malheureux perruquiers que l’on va croiser et recroiser au fil du récit et qui, critiquant vertement la Bretagne vont peu à peu se laisser contaminer par elle pour devenir pleinement breton à la fin du récit… C’est d’ailleurs l’originalité de cet écrivain que de poser un regard caustique et humoristiques sur des faits éminemment tragiques tels que la Saint-Barthélemy, le cannibalisme ou l’épidémie de danse qui toucha Strasbourg en 1518… ou le destin saisissant de cette enherbeuses bretonne…
Les teintes sépias de l’artiste et son usage parcimonieux du rouge accentuent avec finesse la dramaturgie du récit tout en baignant chaque scène de cette atmosphère si particulière qui était alors cette Bretagne, ancrée dans les traditions, et qui traverse l’œuvre d’Anatole Le Braz. La lecture de sa
Légende de la mort chez les Bretons armoricains apporte d’ailleurs un éclairage édifiant sur le folklore entourant la mort chez les bretons, à même de marquer profondément l’inconscient d’un enfant.
Jean-Luc Cornette et Jürg signent une subtile et savoureuse adaptation du Fleur de Tonnerre de Jean Teulé qui nous conte le destin tragique d’Hélène Jégado.
L’élégant dessin semi-réaliste de Jürg retranscrit avec force le scénario de son complice, ses couleurs immergeant le lecteur dans cette terre de légende où les mythes s’invitent dans le quotidien de ses habitant, venant bouleverser la vie d’une petite fille… Hantée par les superstitions et la peur de la mort elle devint, pour conjurer ses angoisses, l’une des plus terrifiante tueuse en série du monde.
Avec un saisissant talent, les auteurs parviennent à retranscrire ce savoureux cocktail d’humour et de tragédie, caractéristique de l’œuvre du romancier…
- Mais Maman, pourquoi l’Ankou fait-il mourir les gens ?
- Pourquoi ? Il n’a pas besoin de raisons ! Il s’introduit chez les êtres, et les fauche, c’est tout. C’est son travail à l’ouvrier de la mort.dialogue entre Hélène et sa mère
(*) « l’ouvrier de la mort » en breton… Surnom donné à l’Ankou