Le monde et à l’agonie… Sa splendeur passée n’est plus que ruine et la magie en disparaît peu à peu…

Sur ces terres dévastées où l’on s’affronte pour les vestiges d’une civilisation disparue, Hum office comme barde et se garde bien de prendre part aux événements qui secoue ce monde… Sa parole n’a que peu de valeur et son sens de la morale est suffisamment lâche pour ne pas entraver la quête qu’il s’est donné : sauver l’âme de sa bien-aimée…

Chevauchant une licorne mutante particulièrement inquiétante il va, bien malgré lui, se retrouver au cœur, sinon à la source, d’un grand bouleversement…

Avec Coda omnibus, l’incroyable scénariste de Six-Gun Gorilla ou du Beffroi nous livre un récit d’heroic-fantasy post-apocalyptique exigeant et faussement foutraque qui s’avère être follement inventif et rafraîchissant…

Par la déliquescence de son univers baroque, l’album n’est pas sans évoquer les Terres Mourantes (Dying Earth en V.O.), petit bijou de Jack Vance… et la dimension d’anti-héros du Barde, rappelant par certains aspects Cugel l’astucieux, ne fait que renforcer cette analogie avec le roman sus-cité… Sans doute Simon Spurrier rend-il avec ce récit baroque et iconoclaste un hommage appuyé au maître de la SF…

L’histoire s’avère particulièrement dense et riche en rebondissements impromptus. En apparence sans queue ni tête, les péripéties s’enchaînent sur un rythme soutenu, esquissant les contours d’un univers original et foisonnant duquel l’espoir même paraît avoir disparu… Un rien désabusé et quelque peu cynique, le barde y endosse le rôle de narrateur d’une histoire dont il n’est, au départ, que l’humble spectateur, n’hésitant pas à raturer sa prose pour enjoliver son récit… Mais peu à peu les éléments épars s’assemblent pour former un tout délicieusement vertigineux qui montre la mesure du talent de conteur du scénariste…

Pour donner vie aux personnages joyeusement barrés et à l’univers foisonnant né de l’imagination fertile de Simon Spurrier, encore fallait-il, un dessinateur particulièrement inspiré… Jeff Stockely est de cette trempe-là. Petit chef d’œuvre, la somptueuse couverture donne d’emblée le ton avec cette composition soignée et un trait d’une grande élégance. Savamment composées, ses planches ébouriffantes font montre de sa folle inventivité et s’avèrent être un véritable régal pour les yeux… Tandis que les couleurs incroyables de l’artiste nimbent chacune des planches d’une lumière délicieusement irréelle… Alternant avec la même efficacité scènes d’action virevoltantes et scènes intimistes ou contemplatives, l’artiste donne vie à des créatures aussi inquiétantes que surprenantes et à des personnages étrangement attachants qu’il fait évoluer dans des décors foisonnants de détails pourtant parfois juste subtilement esquissés… Du grand art assurément…

Complété par un captivant dossier graphique reprenant notamment les superbes couvertures réalisées pour l’édition originale et doté d’une pagination vertigineuse (336 pages !), Coda Omnibus est sans conteste l’une de ces délicieuses surprises qui nous rappelle (si besoin était) pourquoi on adore la BD !

Joliment édité, Coda omnibus est un album délicieusement baroque qui esquisse les contours d’un univers en pleine déliquescence.

Narrateur et (anti)héros de l’histoire, Hum le barde porte un regard cyniquement désabusé et tragiquement lucide sur lui-même et ses compagnons d’infortune… Amoureux transi, il est prêt à toutes les compromissions pour sauver sa bien aimée d’un péril dont on ignore tout d’abord la nature… Superbement mis en image par le trait élégant et les envoûtantes couleurs de Jeff Stockely le récit de Simon Spurrier semble rendre hommage à l’inoubliable Dying Earth de Jack Vance par son ambiance fin de siècle et son héros pour le moins atypique…

Exigeant et envoûtant, mêlant de façon saisissante heroic-fantasy et univers post apocalyptique et doté d’une pagination impressionnante, cet album parfaitement maîtrisé tant graphiquement que scénaristiquement ravira les amateurs d’univers décalés et de héros barrés et baroques… Incontestablement l’une des délicieuse surprise de cette fin d’année…

Eh bien, tu n’es qu’un menteur et je vais éclairer ta lanterne, que tu le veuille ou non. Tu sais pourquoi ? Rien n’est plus triste qu’un conteur sans histoire.la Noirsirène