Tandis que Vinz lit Moby Dick à son âne Burrito, Angelino Diaz s’échine à chercher de l’or dans la rivière de Hawk Canyon depuis plusieurs semaines. Vincent Scavo ne faisait plus guère d’illusion lorsque son pote exhibe une pépite grosse comme le poing… Pas l’or des fous… Non ! une véritable pépite d’or ! Leur joie sera de néanmoins courte durée : un pistolero sans vergogne va leur dérober la pépite… Mais Lino lui refile un bout de pyrite et l’outlaw n’y voit que du feu… Les deux amis font route vers Rio Rosas pour y changer leur or en billet vert, dormir dans un vrai lit et manger à leur faim !
Las, en sortant de la banque, Lino se fait renverser par une diligence lancée à pleine vitesse… Blessé à la tête, il va être victime d’atroces migraines et d’étranges hallucinations…
Quelle étrange idée que de proposer un reboot à la sauce western d’une série jubilatoire et follement inventive qui marquait les débuts fracassants d’un auteur tout juste génialissime, j’ai nommé Run…
Et pourtant… Dès les premières pages, le charme opère… On retrouve nos deux amis drôles et complices, reconvertis pour l’occasion en chercheur d’or… Enfin Vinz surtout… La première séquence est tout juste jubilatoire : on entre avec notre tandem dans un ascenseur émotionnel truculent, passant du pessimiste à l’exaltation et de la déception à la jubilation en quelques cases à peine… et c’est particulièrement jouissif ! La scène de la banque est elle aussi une petite merveille de drôlerie et l’arrivée de la diligence en lieu et place du scooter ne fait planer aucun doute : on retrouve bien la trame de la série originelle mais recontextualisée de façon ingénieuse, donnant la furieuse impression de lire une histoire qui n’est « ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre », pour paraphraser Paul Verlaine, un obscur écrivaillon croisé dans un bouge d’El Passo…
Aux dessins, on retrouve Simon Hutt dont on avait pu apprécier le talent dans les pages de
Doggybags (série absolument incontournable pour les amateurs d’horreurs sanguinolentes et de pop culture)… Débordant d’énergie, son dessin s’avère incroyablement expressif, mettant en scène des personnages truculents aux trognes improbables et aux postures délicieusement théâtrales inspirées du manga… Le contraste entre Vinz et Lino, personnages éminemment cartoonesques, et les autres protagonistes du récit, plus réalistes, est l’une des caractéristiques et des charmes de la série, lui conférant d’emblée une identité graphique forte… Cadrées et chorégraphiées avec une rare efficacité, ses scènes d’actions s’avèrent tout juste décoiffantes ! Jouant avec art de la temporalité, le duel final est une petite merveille d’efficacité…
Ajoutons à cela une édition soignée ave un titre embossé et vous obtenez un délicieux premier fascicule dont il nous tarde de lire la suite ! Ah, encore une chose : pour les aficionados, un coffret est proposé avec ce premier opus… On dit qu’il est quasiment en rupture, aussi, gringo, ne tarde pas !
Quelle étrange idée que de proposer un reboot de Mutafukaz, petit chef d’œuvre du neuvième art qui marquait l’entrée fracassante de RUN dans le neuvième art…
Quelle étrange idée, certes ! Mais quel pied ! On se plonge avec plaisir dans ce récit drôle et entraînant qui reprend avec une folle audace la trame et les éléments narratifs de la série originelle en les accommodant à la sauce western pour donner naissance à une histoire jubilatoire, à la fois connue et pourtant tellement dépaysante…
Porté par des dialogues irrésistibles et le dessin énergique et expressif de Simon Hutt, ce premier tome de Mutafukaz 1886 ravira à n’en pas douter les aficionados de Mutafukaz… Pour les autres, ce sera l’occasion de découvrir ce récit inventif, grave et déjanté à la saveur si particulière…
- La ruée vers l’or, c’était il y a quarante ans, Lino ! Y’a pas un centimètre carré de terre qui n’a été retournée dans les environs… Pas étonnant que tu trouves rien.
- Et pourtant, quelque chose me dit que c’est là, tout près. Je vais trouver. Je le sens au bout de mes doigts.
- Ça fait de semaine que tu dis ça… Si les rêves avaient une valeur, ça se saurait… et on serait millionaires.dialogue entre Vinz et Lino