Après son arrivée tonitruante en Amérique, Charles Spencer Chaplin a d’abord essuyé les mauvaises critiques… Mais cette époque est désormais révolue et chacun de ses nouveaux films est un retentissant succès…
Mais l’artiste traverse une crise existentielle : il vient de perdre son fils à la naissance et doute de son talent… Il se lance alors à corps perdu dans le tournage du Kid, son premier long métrage, pour donner vie à cet enfant qu’il ne verra pas grandir… Son couple bat de l’aile et la séparation d’avec Mildred sera des plus houleuse…
Reconnu par ses pairs comme l’un des plus grands artistes de son temps, il travaille déjà sur son prochain succès : la Ruée vers l’Or, une production démesurée qui sera l’un des plus grands succès du cinéma muet… Durant le tournage, il épouse Lita âgée d’à peine seize ans et portant leur premier enfant… Trompée à de multiples reprises, elle demandera le divorce quatre années plus tard, écornant sévèrement l’image de Chaplin…
Alors que le cinéma parlant fait son apparition, Chaplin se lance dans le calamiteux tournage du Cirque qui s’avèrera être un échec commercial… Le parlant et l’Amérique puritaine auront-ils raison de la carrière du Prince d’Hollywood ?
Si son œuvre est mondialement connue et envoûte encore aujourd’hui les spectateurs de tout âge, l’homme l’est bien moins, malgré des reportage passionnants, tels
Chaplin, génie de la liberté de François Aymé et Yves Jeuland sorti en début d’année ou
Charlie Chaplin, la légende du siècle signé par un certain Laurent Seksik, associé pour l’occasion à Laurent Delahousse.
A l’instar du premier tome, il se dégage de ce second opus une folle énergie comme si les auteurs avaient tenté de retranscrire le génie créatif démesuré de celui qu’il convient de considérer comme l’inventeur du cinéma moderne. Mais l’album n’est pas une hagiographie de Charlie Chaplin… Le scénariste nous entraîne dans l’intimité d’un homme qui connaît le succès auquel il se savait destiné mais ne fait pas pour autant l’impasse sur les doutes qui le ronge entre chaque film et sur ses zones d’ombres et ses fêlures, esquissant un portrait en clair-obscur d’un homme entièrement dévoué à son œuvre… La façon dont Laurent Seksik dépeint sa relation avec ses différentes compagnes ne le montre ainsi pas sous son meilleur jour et écorne quelque peu son image, alors que la folie de sa mère qui ne comprends pas ce que son enfant est devenu s’avère être bouleversante.
Après le succès des
Lumières de la ville, Chaplin est plus que jamais rongé par le doute et décide de prendre des vacances et d’entamer un tour du monde durant lequel il rencontrera des personnages éminents tel Einstein, Churchill ou Ghandi… Vers la fin de l’album, il annonce que Charlot, le touchant vagabond qu’il a incarné durant deux décennies, n’est plus… Il compte faire de ses films un outil pour défendre les valeurs humanistes qui sont siennes, annonçant
les Temps Modernes et
le Dictateur… Mais ceci est une autre histoire et sera développé dans le troisième et dernier opus de cette série flamboyante et romanesque…
Si l’album s’avère aussi entraînant, c’est indéniablement grâce au talent de David François. Son dessin diablement énergique et follement expressif et son usage subtil et parcimonieux le la couleur font, une fois, de plus merveille. Tout à la fois souple et neveux, son trait parvient à retranscrire avec une justesse confondante les états d’âme de l’artiste, les doutes qui le ronge ou l’exaltation qui s’empare de lui lorsqu’il travaille sur un film… Variant avec virtuosité des cadrages, des découpages et de l’ellipse, le dessinateur met son art au service de la narration… Chaque séquence est mise en scène avec une rare efficacité et nombreuses s’avèrent bouleversantes, telle celle ou Charlie s’entretien avec sa mère ou celle où il découvre, médusé,
The Jazz Singer d’Alan Crosland…
Après son passionnant documentaire consacré à Chaplin, Laurent Seksik associe sa plume aux crayons alertes de David François pour rendre un hommage appuyé à ce génie qui posa les bases du cinéma moderne dans une trilogie flamboyante et romanesque…
Loin d’être hagiographique, son récit nous entraîne dans l’intimité d’un homme éminemment complexe pour nous en dresser un portrait en clair-obscur, mettant en lumière tant son génie que ses zones d’ombres et ses fêlures… Après un premier opus s’attardant sur ses premières années américaines, ce second tome nous conte son inexorable ascension dans l’Amérique puritaine de l’entre-guerre, ses relations répréhensibles avec ses différentes épouses et l’amorce d’un engagement humaniste qui allait aboutir aux deux chefs-d’œuvre que sont les Temps Modernes et le Dictateur, pamphlets lucides et violent s’attaquant l’un capitalisme et l’autre à Hitler…
Porté par le trait follement énergique de David François Chaplin Prince D’Hollywood s’avère être un récit tout aussi captivant que le premier opus de la série, oscillant entre drame et humour avec les talents d’équilibriste d’un Charlie Chaplin…
- Tu sais ce qui cause notre perte, frérot ? C'est l'ambition.
- Charlie, ton ambition, elle a changé le visage du cinéma !dialogue entre Charlie et Sidney, son frère