1793. Paris est emporté par la Terreur et la tourmente révolutionnaire et Louis XVI vient d’être guillotiné… Les esprits s’échauffent et les échauffourées sont su multiplient dans les ruelles. Après avoir participé avec ardeur aux prémices de la Révolution, Lazare Bruandet, écœurée par la bêtise crasse de ses contemporains, passe son temps entre sa maîtresse, ses pinceaux et les estaminets…
Artiste exigeant et tourmenté, il se voit contraint de fuir la cité, après avoir, par accident, défénestré sa femme infidèle. Il gagne alors la campagne où il a passé son enfance avec sa mère et va tenter de saisir la beauté de cette nature qui le fascine tant pour échapper aux tumultes du monde… Mais le vent de l’histoire est en marche et s’apprête à embraser la région, alors que la haine et les violences dont il est témoin font ressurgir de douloureux souvenirs d’enfance.
Après son envoûtant
Mozart à Paris, Frantz Duchazeau change de muse, délaissant la musique pour la peinture afin de nous conter le destin de Lazare Bruandet, peintre méconnu dont la vie romanesque ne pouvait qu’inspirer ce talentueux scénariste. L’auteur s’immisce dans les nombreuses zones d’ombre de la biographie de l’artiste pour tisser un récit nerveux et foisonnant qui interroge sur le rapport de l’artiste au monde…
Fervent défenseur des idées de la Révolution dont il a été l’un des acteurs, la bêtise de ces émeutiers patentés et l’abandon des idées des lumières lui ont donné l’envie de prendre du champ et de se retirer des affaires du monde pour se consacrer, presque exclusivement à son art… Colérique et désabusé, Lazare Bruandet a le verbe haut et fustige tant ces révolutionnaires de pacotille que ces peintres englués dans leurs certitudes qui dévoient leur art en le vendant aux plus offrant…
Mais s’il est porté sur la boisson et s’avère prompt à s’emporter ou à croiser le fer en théorisant sur la peinture comme Cyrano versifiait, il peut aussi se battre en duel pour les beaux yeux de la fille d’un aubergiste malmenée par des soldats malotrus ou rejoindre le siècle pour aider des moines à se défendre contre la canaille et les brigands qui rançonnent et massacrent sans vergogne…
Frantz Duchazeau fait une nouvelle fois de ses talents de conteur, esquissant le portrait saisissant d’un personnage sanguin haut en couleur dont le comportement horripile autant qu’il fascine… Mais c’est une fois encore son trait superbe et nerveux qui force l’admiration… L’artiste parvient avec art à faire ressortir l’humanité de ses personnages et le regard féroce et parfois halluciné de Lazare dépeigne un homme habité par son art et hanté par son ardent désir de coucher la vérité sur sa toile, comme si sa vie en dépendait…
Ses compositions sont saisissantes et ses cases somptueuses. Les paysages de Frantz Duchazeau évoquent clairement ceux peint par Bruandet, eux aussi de toute beauté, rendant, à deux siècles de distance, hommage à l’œuvre autant qu’à l’artiste… Le dessinateur joue avec art avec les contrastes, des aplats de noir venant équilibrer chacune de ses cases alors que les couleurs de Drac baignent chaque scène d’une lumière saisissante, accompagnant avec force la dramaturgie d’un récit entraînant qui s’achève sur une note tragiquement romantique.
Après son remarquable Mozart à Paris, Frantz Duchazeau se propose de nous conter le destin d’un peintre méconnu qui eut pourtant une vie romanesque et haute en couleur méritant d’être racontée…
Peintre virtuose, talentueux bretteur, Lazare Bruandet fut aussi un révolutionnaire exalté avant de devoir fuir le Paris révolutionnaire après le meurtre de son épouse… Sanguin et taciturne, peu soucieux de se faire un nom ou de passer à la postérité, il est hanté par son art et semble peindre pour fuir le tumulte du monde, désabusé par la bêtise de ses contemporains…
Porté par un dessin somptueux qui rend hommage tant à l’œuvre de Lazare Bruand, Le Peintre hors-la-loi est un récit touchant et foisonnant qui interroge sur le lien unissant l’artiste au monde et s’achève sur une note tragique et délicieusement romantique…
Que faire quand le réel n’est plus à la hauteur de nos rêves ? Que faire d’autre en ce monde à part s’enivrer ?! Pendre jusqu’à en crever !!