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Aldobrando
Aldobrando



Fiche descriptive

Album pour Enfant

Gipi

Luigi Critone

Luigi Critone

Casterman

15 Janvier 2020


23€

9782203166677

Chronique

Avant de « descendre combattre à la Fosse » le père d’Aldobrando sachant son heure venue, le confia à un mage. Celui-ci devrait le protéger et l’éduquer jusqu’à ce qu’il soit en âge de découvrir le vaste monde. Quelques années plus tard, voilà que la préparation d’une potion tourne au drame.

Grièvement blessé à l’œil par un chat qui ne voulait pas bouillir, le mage demande à son jeune protégé d’aller en urgence lui quérir l’Herbe du loup. Mais comment peut-on se débrouiller en botanique alors que l’on a jamais mis un pied dehors et que l’on tombe né à né avec l’assassin du fils du Roi de Deux Fontaines ?
un chef d'oeuvre!


Un conte initiatique et ludique
Aldobrando, planche de l'album © Casterman / Critone / GipiGipi et Critone forment un duo et nous proposent un conte philosophique en forme de geste médiévale dans un beau one-shot de 200 pages lumineux malgré la sombre période qu’il décrit.

Oyez donc braves gens l’histoire du jeune orphelin Aldobrando !

Fils d’un roi qui sait qu’il a peu de chances de réchapper d’un duel, Aldobrando est confié enfant à un vieux mage qui a pour mission d’en faire un homme.

Alors qu’il est devenu un jeune homme solitaire qui ne quitte guère la cabane de son mentor, Aldobrando va devoir parcourir le vaste monde à la recherche d’une herbe miraculeuse qui aurait le pouvoir de sauver son maître blessé lors de la création d’une potion. Au fil des rencontres et des périples qu’il devra affronter, le jeune candide va évoluer…


Du roman picaresque au conte philosophique
La couverture dans des camaïeux de bruns, jaunes et orangés pose le décor (un château) et grâce à son lettrage gothique présente l’époque (Moyen-Age). Elle suscite également l’interrogation : le personnage au premier plan, chétif et maigrelet, ressemble davantage à un fermier qu’à un chevalier et tient une épée en bois dans la main ! On retrouve cette arme singulière en 4eme de couverture, une mention de la physionomie fragile du héros éponyme : « tu as deux bras, ces pattes de merle » ainsi que deux objets pour le moment mystérieux.

Aldobrando, planche de l'album © Casterman / Critone / GipiA l’origine d’« Aldobrando » on trouve un jeu de société imaginé par Gipi se déroulant au Moyen-Age. Il est donc normal que tous les personnages emblématiques s’y trouvent : le mage, le méchant roi, la pure demoiselle en détresse, l’ogre, l’amoureux transi, le félon etc… Mais, un peu comme dans « Azimut » d’Andreae et Lupano, les personnages sont drôles et loufoques et/ou , ajout original, souvent émouvants également.
La princesse Bianca, pâle et frêle, apparaît aussi pure que son prénom, Le roi libidineux ressemble à une illustration de Rabelais par Gustave Doré, Gueulevice à un noble sorti d’un tableau d’Antonello da Messina, Aldobrando à un personnage « gipesque » et son père a les traits de Critone lui-même créant ainsi une savoureuse mise en abyme.

La candeur de l’antihéros ressort d’autant mieux dans le cadre violent. Il se pose et pose aux autres beaucoup de questions. Sous ses aspects benêts, il s’interroge sur l’essentiel et finira par changer la structure sociale d’un royaume basé sur la corruption et l’injustice.
Aldobrando, planche de l'album © Casterman / Critone / GipiOn tient là à la fois un roman picaresque (Gipi rend un hommage à Cervantès à travers le couple Genarro/ Aldobrando qui reduplique le duo Don Quichotte & Sancho Panza) et un conte philosophique à la manière du « Candide » de Voltaire. Comme chez l’auteur espagnol, on y trouve une satire du roman de chevalerie (qui vire à la farce en dernière partie) ; et comme chez Voltaire une réflexion sur l’arbitraire du pouvoir et l’esclavage.

On peut y percevoir également des thèmes plus personnels à Gipi : celui de la filiation et de la transmission comme il l’abordait dans « La terre des fils » mais de façon plus légère car le récit n’est pas dépourvu d’humour.

Une mise en scène sobre et efficace
La mise en page est très classique, quasi systématiquement découpée en trois bandes. Sauf à deux occasions (l’arrivée dans la fosse ou un gros plan de la fosse occupe une demi-page p.160 et la pleine page finale). Il n’y a aucun récitatif et pas non plus de monologue intérieur (bulles de pensée). Tout passe par le dialogue avec une seule phrase par phylactère ou par le dessin (on trouve des pages muettes) : c’est ainsi rythmé et très fluide à la fois. L’histoire est linéaire aussi.

Aldobrando, planche de l'album © Casterman / Critone / GipiIl n’y a pas d’esbroufe ni de cadrages spectaculaires. La mise en scène est très sobre et se concentre sur les actions et les héros. Le dessin s'adapte parfaitement au récit avec un trait fin sans pour autant sombrer dans un foisonnement de détails. L’époque n’est pas tellement déterminée. On pourrait se croire à l’époque de « Je, François Villon », c’est une Italie moyenâgeuse fantasmée. Il n’y a pas de surenchère de violence alors qu’on pourrait s’y attendre avec le semeur de mort et la fosse.

Critone peint en lavis de gris et Francesco Daniel et Claudia Palescando signent les couleurs à l’aquarelle plus vives qui s’y superposent. Ces teintes s 'adaptent à la situation et créent les ambiances : sombres et grises dans les moments graves, orange et rouges apaisants dans les moments de vie et de bonheur. Les coloristes jouent aussi beaucoup de la lumière et du clair-obscur pour un résultat magnifique.

La part belle aux personnages
Mais ce sont les personnages qui sont avant tout mis en avant. On observe ainsi une grande variété de styles dans leurs portraits ce qui permet d’éviter la monotonie. Les visages sont très expressifs et les regards également (même quand ils sont réduits aux deux points - très ligne claire - des yeux du héros !). Aldobrando, planche de l'album © Casterman / Critone / GipiAinsi, un personnage apparemment aussi caricatural que Paprasse, le gratte-papier royal prend « corps » à l’aide de son regard : il ne relève jamais la tête de ses textes de loi sauf à la fin quand il transperce de son regard clair le roi et se fait le chantre des traditions. Celui qu’on aurait pu prendre pour un vil courtisan se révèle être le protecteur des lois et le garant de l’équité. Par son regard il passe de personnage comique à personnage essentiel.

Les auteurs nous invitent, via leurs personnages, à ne pas nous laisser prendre aux apparences : Le semeur de mort semble être un ogre, une bête féroce mais l’on découvre qu’il est devenu méchant à cause de son amour tragique ; il est finalement bien plus humain que d’autres et Gipi pose avec lui le thème de la rédemption. De même, la jeune Bianca n’est pas monolithique : elle évolue : au départ elle est prisonnière d’un état qui ne lui convient pas ceci se marque dans ses atours qui la raidissent et son hennin puis elle se libère : cheveux aux vents, sourire et vêtements légers. Tout passe par le dessin et de petites notations ici. Le traitement des personnages est donc in fine beaucoup plus subtil qu’on ne pouvait s’y attendre et contient finalement la morale de l’histoire.

« Aldobrando » est un très bel album tant par son dessin que par son message. On choisira selon ses goûts la version en noir et blanc qui met en valeur les lavis de Critone ou celle plus classique aux couleurs solaires. Quelle que soit la version choisie, c’est un album qui fait du bien dans cette période compliquée. Aldobrando, planche de l'album © Casterman / Critone / GipiJe pense qu’il peut être proposé à un vaste lectorat et qu’on y trouve différents degrés de lecture selon son âge. A consommer et à méditer sans modération !

D’abord conçu comme un jeu de société, l’univers d’« Aldobrando » a ensuite été développé par son créateur Gipi qui en a délégué le dessin à son compatriote Luigi Critone.

Les deux auteurs nous emmènent dans un Moyen-Age fantasmé sur les traces d’un anti-héros, Aldobrando, qui ne paye pas de mine et va vivre de multiples aventures au gré de ses rencontres. Le roman(graphique) picaresque se mue alors en conte initiatique voire philosophique. Mais il n’en devient pas pour autant sentencieux car il laisse la part belle à l’humour et à la satire. Le tout dans une mise en scène épurée et des dialogues à l’os qui demeurent très percutants et un traitement des personnages tout en nuance.

Un livre qui saura plaire à tous car il offre, comme un conte, différents niveaux de lecture.


- A l'amour, vous n'y connaissez rien !
- Seulement ce que j'en ai appris de vous deux ces derniers jours. Qu'il peut transformer un bon berger en tueur recherché. Et qu'il peut conduire une gente et douce jeune dame comme vous, Viola, à blesser un époux non désiré et à se retrouver enchainée.
- Et cela vous mène à quelle conclusion ?
- Qu'il peut transformer les choses. Je parle de l'amour. Il peut changer les choses. Mais je ne sais pas encore très bien si c'est en mieux ou en pire...
Viola, le semeur de mort et Aldobrando

bd.otaku



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