



Sadique et cultivé, Hunter officie comme gardien-chef dans un bagne du Sud des Etats-Unis… Cruel et autoritaire, il compte briser un à un les détenus qui lui sont confiés… Climby est l’un d’entre eux… Condamné pour vol, ce jeune homme naïf et attachant est dans le collimateur d’Hunter qui ne supporte pas son sourire béat et ne parvient toujours pas à effacer cette lueur d’espoir qui semble luire en lui, malgré les brimades et les humiliations…
Aidé par Sally, une jeune femme rencontré peu avant son arrestation, Climby parvient à échapper à ses geôliers et à s’enfuir, caressant le rêve fou de rejoindre un îlot idyllique au cœur du bayou infesté d’alligators, avec un arbre magnifique planté au milieu… Souhaitant ramener l’évadé dans le bagne qu’il n’aurait jamais dû quitter et désirant réduire à néant les espoirs de Climby, Hunter demande un congé et se lance sur les traces du fugitif…
S’engage alors une course poursuite entre le chasseur borgne et sa proie… Deux silhouettes sombres s’invitent dans la danse… Anges gardiens ou bourreaux ? Seul l’avenir le dira…
Près de trente-trois ans après sa première publication,
l’Œil du Chasseur est enfin de retour dans une édition particulièrement élégante… Redessinée pour l’occasion, la couverture mate est de toute beauté alors que le grand format et les pages épaisses permettent de mieux apprécier le dessin d’un artiste majeur du neuvième art…

Ajoutons à cela un passionnant dossier de 16 pages revenant sur la genèse de l’album et rehaussé de dessins qui servaient de tête de chapitre lors de la prépublication de l’histoire dans les pages de Spirou et vous obtenez un album incontournable pour tout amateur de polar en général… et de Berthet en particulier !
Car s’il a exploré différents genres, époques et univers, c’est indéniablement dans le polar que Philippe Berthet excelle… Truffé de références cinématographiques et porté par des personnages délicieusement archétypaux, le scénario de Philippe Foerster s’avère implacable… Certains éléments, dont le titre même de l’album, sont clairement empruntés
la Nuit du Chasseur… Dans ce chef d’œuvre de Charles Laughton, deux gamins possédant un magot sont traqués par l’inquiétant révérend Powell, incarné par l’impressionnant Robert Mitchum… Deux sinistres mormons semblent remplacer ce triste personnage qui se confond parfois avec l’implacable Hunter… Quant au trésor, il est lui aussi caché dans un objet inattendu, et sa véritable nature le relie avec malice aux origines mythiques de cette secte…
La mécanique scénaristique s’avère implacable, instillant le doute dans l’esprit du lecteur : Sally n’est-elle pas trop belle pour s’intéresser à un simple d’esprit comme Climby ? Qui sont ces ombres qui semblent protéger le jeune rêveur ? Et il y a cette chute incroyable qui, après une scène dantesque, parachève le récit sur une notre d’un cynisme glaçant…
En 1988, Philippe Berthet faisait déjà montre d’un talent saisissant. Soutenu par la mise en couleur subtile d’Isabelle Beaumenay-Joannet, ses planches sont une petite merveille de composition. Utilisant avec maestria le vocabulaire cinématographique, il parvient à impulser un rythme saisissant à son récit… Le contraste entre les inquiétants marécages que traversent Sally et Climby et le havre de paix que constitue l’île est saisissant, rendant l’ultime confrontation plus dramatique encore…

Cadrages ciselés, trait plein d’élégance… Comment un tel album a-t-il pu être épuisé si longtemps ?
Quel Plaisir que de retrouver ce petit bijou écrit par Philippe Foerster et Philippe Berthet il y a plus de trente-trois ans…
Implacable polar noir à l’atmosphère savamment travaillée, L’Œil du Chasseur est porté par une poignée de personnage délicieusement archétypaux : un chasseur implacable et pervers, un rêveur simple d’esprit, une femme fatale, d’étranges hommes en noir, un patriarche inquiétant et un vieil ermite veillant jalousement sur son bayou… Sans oublier un affectueux saurien…
Cette somptueuse réédition, augmentée d’un passionnant dossier sera l’occasion de découvrir ou de redécouvrir une œuvre marquante du neuvième art… Amateurs de romans noirs des années 50, ne passez pas à côté de cette pépite brute…
- Je n’ai pas oublié notre rencontre et tout ce que tu m’as raconté… Test histoires de bayou et d’arbre merveilleux… Alors j’ai décidé de t’écrire… Et puis au bout de quelques lettres, de te sortir de ce trou !
- Et j’saurais jamais t’en remercier !... Bientôt je vais le revoir, mon arbre ! Il est sur un îlot en plein « bayou des indiens noyés » dans les marais d’Atchafalaya en Louisiane… Un endroit comme y’en a pas d’autres ! Plus beau que tout c’que j’ai jamais vu !dialogue entre Sally et Climby