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Les enfants des autres
Contrapaso



Fiche descriptive

Policier

Contrapaso

Tome 1

Teresa Valero

Teresa Valero

Teresa Valero

Dupuis

02 Avril 2021


23€

9791034731411

Chronique

À Madrid, en 1956, à la rédaction de La Capital, tout semble opposer Léon Lenoir, le jeune reporter fougueux qui vient de débarquer de Paris, et Emilio Sanz, un vétéran des faits divers, aguerri aux pratiques de la presse dans cet état policier.

Ces deux-là ont en commun ce besoin de vérité chevillé au corps et les quatre vertus désignées par Camus qui permettent au journaliste de rester libre même en dictature : la lucidité, le refus, l'ironie et l'obstination.

Aidé par la charmante Paloma Rios, illustratrice, le duo remonte la piste d'un meurtre pour découvrir le sort des femmes victimes de la dictature au lendemain de la guerre civile.

Avec son suspense et ses rebondissements de grand spectacle, le polar perce surtout le mystère des théories racistes et déterministes de l'idéologie fasciste, en mémoire des crimes de la dictature, dans la perspective de l'héritage.
un chef d'oeuvre!


Porter la plume dans la plaie (*)
Contrapaso, planche du tome 1 © Dupuis / ValeroMadrid. 1956. Léon Lenoir, ancien phalangiste, s’occupe seul de la rubrique des faits divers depuis des lustres. S’il est obsédé par un tueur en série qu’il s’efforce de coincer depuis des années, il l’est surtout par la vérité et il enrage de ne pouvoir l’imprimer dans les pages de la Capitale, le quotidien pour lequel il travaille, à cause de censure… Fontana, le patron du journal, décide d’engager Emilio Sanz, jeune journaliste et fils d’un communiste français tué lors de la guerre d’Espagne, pour le seconder…

Leur collaboration s’avèrera d’emblée houleuse et difficile tant ils éprouvent de la défiance l’un envers l’autre… Pourtant, au fil des jours, ces deux journalistes que tout semble opposer devront se rendre à l’évidence : ils ont tous deux la quête de la vérité chevillée au corps et partagent la même conception du métier et les vertus qui, selon Camus, permettent de rester libre même en dictature : la lucidité, le refus, l’ironie et l’obstination…

La mort d’une jeune femme va les entraîner dans une sinistre enquête durant laquelle il vont exhumer les traitements inhumains que le régime franquiste a fait subir à des femmes au lendemain de la guerre civile.


Contrapaso, planche du tome 1 © Dupuis / Valero
Un roman noir construit sur une base historique aussi solide que glaçante
Teresa Valero fait partie de ces trop rares scénaristes dont chaque nouvelle série est un enchantement… Si elle a été révélée par son envoûtant Curiosity Shop, série dessinée par Montse Martin où l’autrice faisait montre d’un talent d’écriture confondant, son ([url= http://sdimag.fr/index.php?rub=0&art=Affiche_Fiche&aff_param=2&ID=5799#4202 ]Gentlemind qu’elle scénarise avec un certain Juan Diaz Canales (le scénariste de Blacksad, excusez du peu ! qui n’est autre que son compagnon) et qu’Antonio Lapone met en scène avec un talent confondant nous a littéralement charmé…

Porté par une narration impeccable, le récit happe littéralement le lecteur dès les premières pages. Le prologue et la première séquence ancre d’emblée l’histoire dans le roman noir avec une sombre histoire de tueur en série traqué par un journaliste obstiné et intègre… Mais s’il conserve cette coloration de polar tout au long de ses près de 140 pages, le fil rouge destiné à relier entre eux les différents albums de la série disparaît bien vite dans les entrelacs scénaristiques captivants esquissés par Teresa Valero pour peindre le portrait glaçant d’un pays subissant le joug d’une dictature et portant encore les stigmates de la guerre civile.

Contrapaso, planche du tome 1 © Dupuis / ValeroTout en déroulant une enquête oppressante mais indéniablement passionnante, l’autrice nous dépeint l’Espagne des années cinquante dans toute sa complexité. Par le truchement d’anecdotes paradoxalement authentiques, elle densifie son récit de façon confondante et l’ensemble s’avère vertigineusement crédible et cohérent… Des premières manifestations étudiantes contre le régime fomentées par les enfants des dignitaires du régime en passant par les pseudo études scientifiques visant à démontrer que le marxisme est le fruit d’une aliénation mentale, justifiant le vol d’enfant, en passant par la presse officielle étranglée par la censure, à ces publications clandestines dans lesquelles des journalistes s’efforçaient, au péril de leur vie, de diffuser la vérité en passant par le sort que le régime réservait aux invertis, l’extrême pauvreté de certains qui contrastaient avec l’opulence des autres ou la place de la femme dans cette société gangrénée par une idéologie fascisante…

Non content de retranscrire avec force le contexte sociétal et politique de l’époque, la scénariste donne vie à une galerie de personnages foisonnante. Car si le tandem formé par Léon Lenoir et Emilio Sanz, bientôt enrichit par l’arrivée de Paloma, cousine avec qui Emilio connu une fulgurante passion, fonctionne à merveille, le soin que Teresa Valero a apporté à l’écriture de chacun de ses personnages, des premiers aux seconds rôles, est tout juste confondant d’authenticité. Contrapaso, planche du tome 1 © Dupuis / ValeroIl suffit de lire la séquence où Emilio retrouve son oncle, sa tante et ses cousines pour comprendre le talent de l’autrice pour esquisser des personnages forts et crédibles… Et si certains protagonistes semblent peu réalistes, sachez que, comme le confie l’autrice dans une postface passionnante, la plupart sont inspirés de personnages ayant existé… Même la jeune Charo, adolescente qui accompagne son père, médecin légiste, sur les scènes de crimes ou dans les salles d’autopsie ! Ajoutons à cela des dialogues ciselés dignes des meilleurs films noirs et qui contribuent avec art à poser cette ambiance si particulière qui baigne le récit et vous obtenez un petit bijou du neuvième art.

Et, non content de maîtriser sa narration à la perfection, l’autrice fait montre d’un saisissant talent de dessinatrice… Son trait souple et élégant s’avère particulièrement esthétique alors que son découpage alterne avec art différents cadrages pour servir au mieux son propos et renforcer la dramaturgie. Si sa mise en couleur est subtile et délicate, son travail sur la lumière sublime littéralement chacune des séquences alors que celui sur les personnages fait la part belle aux ressentis et aux émotions, rendant chacun d’entre eux profondément humains… Leurs regards en disent souvent plus long que les mots, rendant certaines scènes particulièrement bouleversantes…
La couverture est quant à elle un petit bijou de composition, montrant une Espagne déchirée entre les idéologies communistes et fascistes avec, entre les deux ennemis, Paloma, Emilio et Léon, symbolisant l’intégrité et la liberté de la presse dont ils incarnent chacun une composante…
Contrapaso, planche du tome 1 © Dupuis / Valero
Talentueuse scénariste, Teresa Valero signe pour la première fois un album en solo, s’imposant comme une autrice impressionnante maîtrisant le dessin et l’art de la narration avec une virtuosité confondante…

Sous des apparences de roman noir, Contrapaso nous brosse un portrait saisissant de l’Espagne franquiste des années 50, dépeignant avec force un pays meurtri qui n’a pas encore pansé les plaies de la guerre civile. Truffé d’anecdotes dont la plupart sont authentiques et porté par des personnages remarquablement bien écrits, Les Enfants des Autres est mis en image par le trait souple et élégant de l’autrice, faisant la part belle aux émotions alors que sa colorisation subtile opère comme une musique de film…

Parmi les excellents titres sortis depuis le début d’année, ce nouvel album de Teresa Valero tient indéniablement le haut du pavé…


- Tu es devenu fou ?
- Il était innocent, Fontana, je l’avais prouvé et ils l’ont quand même tué. La Justice du régime trouve toujours un coupable.
- Je ne peux pas publier ça sans qu’on interdise le journal. Tu le sais très bien !
- Oui, je le sais.
- Et alors, pourquoi tu l’as écrit, nom de Dieu !
- Parce que c’est la vérité !dialogue entre Fontana et Léon Lenoir


(*) Albert Londres, journaliste


Le Korrigan




Inspiration jeux de rôle

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