Ce bouquin rédigé par Arturo Perez Reverte dont on connaît plus le tableau du Maître Flamand et l'excellent Club Dumas, massacré au cinéma par Roman Polanski (La neuvième porte) est à mon avis l’un de ses chef d’oeuvre…

Le roman brosse le portrait de Don Jaime Astarloa, vieux maître d’escrime, croyant en des valeurs appartenant à un monde qui se délite peu à peu, et défendant un art qui finira par sombrer lui aussi… En d’autre temps, en d’autres lieux, sans doute aurait-il fait partie de ces gentilshommes qui portent leur honneur à la pointe de leur épée, mais une blessure ancienne, un pêché de jeunesse, l’a empêché de s’élever à sa juste valeur.

Le roman est présenté comme une passe d’arme sanglante que livre le vieux maître à un ennemi invisible qui n’est autre que lui même. Son histoire personnelle traverse l’Histoire de l’Espagne, alors que la couronne chancelle et que le peuple s’agite, à la manière dont l’intrigue des trois mousquetaires traversaient celle du règne de Louis XIII. Mais Don Jaime Astarloa reste en retrait de cette histoire, il ne ferait que la traverser si la belle et talentueuse escrimeuse doña Adela de Otero n’était pas entré dans sa vie. Il va nourrir pour elle une passion folle qui émoussera sa crédulité et sa vertu. Leur relation est proche de celle qui lia Merlin à Viviane, à cela près que doña Adela de Otero n’éprouve aucune passion pour le vieux maître…

Un grand roman dans la veine de ceux de Dumas, avec des personnages denses, complexes et hauts en couleurs.

A noter la très honorable adaptation cinéma de Pedro Olea que l’on devrait pouvoir trouver en vidéothèque… Moins riche et moins complexe que le livre, elle n'en reste pas moins magistrale...

Le maître d'escrime se déroule à la fin du 19ème siècle en Espagne. L'univers dans lequel évolue le héros est fait de violence, d'instabilité politique, de nostalgie et de crimes.

Arturo Perez Reverte signe avec cet ouvrage l'un de ses meilleurs romans, où se mêlent quête de vérité et quête d'amour, Eros et Thanatos, pour une seule issue, fatale. Astarloa, héros vieillissant, tenant d'une époque révolue où les affronts se lavaient dans le sang et le choc des lames, nous rappelle immanquablement quelque Don Quichotte happé malgré lui dans les arcanes du pouvoir et du présent.

Le livre se lit d'une traite, hypnotisant, du très grand Reverte.