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Battue
Battue



Fiche descriptive

Roman Graphique

Marine Levéel

Lilian Coquillaud

Lilian Coquillaud

Six Pieds Sous Terre

15 octobre 2020


24€

9782352121589

Chronique

Alors qu'elle mène une nouvelle vie, loin de sa contrée natale et de ses racines, Camille reçoit la visite d'Hassan, un ami d'enfance devenu journaliste.

Des retrouvailles amères qui font ressurgir un passé qu'elle avait chassé depuis longtemps. Hassan cherche à infiltrer la "Grande Battue", chasse exclusive menée une fois l'an dans les montagnes de leur région par les Blanchistes, un groupuscule d'influence néo-païenne et réputé proche de l'extrême-droite. il voudrait mettre au jour ce mouvement et son idéologie, persuadé depuis toujours que cette chasse cache les complots ou les exactions qui permettraient de les dissoudre.

Camille, fille repentie d'un Blanchiste, pourrait l'aider dans sa mission. très froide, la jeune femme prend rapidement congé de son vieil ami : elle ne veut plus se pencher sur cette part de son histoire. Les hasards de la vie, avec la mort de son père, figure tutélaire de ce mouvement, se chargeront de brouiller ses plans et la feront replonger dans ce passé haï qu'elle avait fui enfant, grâce à sa mère.
un chef d'oeuvre!


Parties de chasse
Battue, planche de l'album © Six Pieds Sous Terre / Coquillaud / LevéelCamille Duhamel vient de perdre son père. Elle est moins affectée par la mort de celui-ci que par la demande de son ami d’enfance, Hassan, devenu journaliste, de retourner sur ses terres natales qu’elle avait fuies et d’infiltrer le groupuscule néopaïen proche de l’extrême droite « les Blanchistes » dont Philippe Duhamel était le leader afin de démontrer que leurs agissements sont loin d’être innocents et les empêcher de faire un carton aux prochaines législatives. Voilà donc le retour de la fille prodige sous le regard circonspect de son oncle et de ses cousins devenus les nouveaux meneurs.

Elle va passer les épreuves de sélection pour participer à la grande Battue et faire partie des « élus » du mouvement. Mais ne s’improvise pas détective qui veut … et cette enfance reniée n’aurait-elle d’ailleurs finalement pas marquée l’héroïne davantage qu’elle ne le pense ?


Entre anthropologie, thriller et 2 épouvante
Le gros plan sur le braque en couverture ainsi que le titre pourraient faire penser à un livre sur la chasse mais « Battue » est bien plus que cela. C’est à la fois une expérience anthropologique, un thriller et presqu’un récit d’épouvante. Il m’a beaucoup fait penser au film « Midsommar » d’Ari Aster et cela n’a finalement rien de surprenant puisque Marine Levéel dont c’est le premier scénario de bande dessinée est réalisatrice et qu’au départ l’intrigue avait été écrite pour le cinéma. Mais en passant du 7e au 9e art, la scénariste donne encore plus de puissance à son intrigue…

Battue, planche de l'album © Six Pieds Sous Terre / Coquillaud / LevéelAinsi, au-delà d’un reportage (en partie autobiographique) sur des groupes néopaïens quasi sectaires et racistes, on assiste à la quête d’identité d’une jeune femme dans une société patriarcale dont les Blanchistes représentent l’hyperbole. Les interrogations et les atermoiements de l’héroïne sont fort bien rendus grâce à une perception en caméra subjective ou focalisation interne. Camille, sa caméra infrarouge dissimulée dans sa carabine, se fait le relai pour Hassan établi à quelques centaines de mètres mais aussi pour le lecteur. On ne voit que ce qu’elle voit et plus encore on est au diapason de ce qu’elle ressent grâce au monologue intérieur. Alors on tremble pour Camille qui pourrait se faire démasquer et devenir proie à son tour mais au-delà (et c’est la force de l’album) notre perception vacille au gré de ses états d’âme. On perçoit tantôt la Battue comme une boucherie atroce et archaïque, un simple prétexte pour exalter des valeurs désuètes et nauséabondes ou parfois comme une communion avec la nature et un dépassement de soi. La relation particulière qu’elle (re)noue avec son environnement est particulièrement bien mise en scène grâce aux synesthésies et à l’attention portée aux parfums et aux odeurs dont on sait l’importance et le lien à l’enfance depuis Proust et Baudelaire. Ce rapport presque charnel est matérialisé par les mots qui s’inscrivent dans les cases hors des bulles.

Battue, planche de l'album © Six Pieds Sous Terre / Coquillaud / Levéel
une palette fauviste
Le danger qui la guette et l’ambivalence de ses sentiments créent une tension croissante et un malaise qui se communiquent au lecteur. L’angoisse s’installe et le final nous laisse sans voix. Le scénario est ainsi véritablement maîtrisé et le dessin n’est pas en reste. Lilian Coquillaud, peintre et bédéiste, nous livre en couleur directe de somptueux paysages. Il a choisi une palette réduite « choquante » qui renforce le sentiment de tension et de malaise. La chevelure rousse de Camille et l’orange vif de la tenue des chasseurs contrastent avec les camaïeux de violet, et le bleu des panoramas montagneux. Le fuchsia domine lui lors des scènes matinales … Ces choix graphiques tranchés, presque fauvistes, sont partie prenante du récit et contribuent à la tension. Le dessinateur multiplie les angles de vue, alterne des panoramas flous et vaporeux et des personnages se détachant avec netteté à l’encre, met en valeur l’expressivité des visages dans des gros plans qui succèdent à des plans larges immersifs comme s’il voulait épouser tous les points de vue possibles et échapper lui aussi à un manichéisme simpliste et délétère.

Battue, planche de l'album © Six Pieds Sous Terre / Coquillaud / Levéel« Battue » est donc un superbe album où la noirceur du propos et la beauté éclatante des images entrent en à la fois en dissonance et en résonance oxymorique créant un véritable choc esthétique et scénaristique. Un récit particulièrement intelligent qui devrait vous marquer longtemps !



Lilian Coquillaud et Marine Levéel nous livrent l’histoire haletante de l’infiltration d’une jeune femme dans un groupuscule suprématiste appelé les Blanchistes. Mais cette immersion n’est pas neutre : Camille est la fille de l’ancien leader du mouvement et elle est ainsi confrontée au passé qu’elle avait voulu fuir…

Ce récit est à la frontière du thriller, du reportage anthropologique et même du film d’épouvante. Il joue avec nos nerfs et nous alerte sur les dangers de la fanatisation dans une explosion de couleurs fauvistes et des mises en page singulières. Un choc esthétique et scénaristique !


Paradoxalement le corps a une mémoire indéfectible, l’odorat aigu de mon enfance ne m’a jamais quittée. Le reste de mon enfance, j’ai réussi à l’enfouir. Camille, page 1
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Inspiration jeux de rôle

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