Animé par la hargne et la colère, bravant la morsure du froid, un homme suit les traces laissées par un autre… Ses pas le mènent à une cabane. A l’intérieur, un homme l’a enttendu approcher et, tapit dans l’ombre et armé d’un poignard s’attend à le recevir…

Dès que l’inconnu franchit le seuil de la maison, un poignard se plante dans son torse avant que l’autre homme se jette sur lui. Un combat violent s’engage alors… Abandonnant le blessé à son triste sort, le second homme s’enfuit dans la neige en courant… Mais l’homme ne succombe pas à ses blessures et reprend conscience. Après s’être soigné et avoir brûlé le cadavre de l’indien qui reposait sur le lit, il reprend sa route et sa traque qui le conduira vers une petite bourgade jusqu’alors paisible…

En 2018, pour s’extirper de sa zone de confort, Thierry Martin a publié chaque jour un dessin sur son compte Instagram entre août 2018 et mars 2019… Se laissant guider sur par son inspiration, improvisant au fil des pages, l’auteur a ainsi composé un récit âpre et violent… Formidable exercice de style mêlant western et jazz, l’histoire s’est construite, par petite touche, composant une fresque sauvage saisissante… Après le succès du financement participatif sur la plateforme Ulule, Dernier Souffle a été édité par les éditions Black & White et décliné en tirage spécial et en tirage de luxe…

La version éditée par Soleil dans la prestigieuse et élégante collection Noctambule reprend les planches originelles rehaussé d’une couleur bleue qui renforce la noirceur de ce récit crépusculaire et souligne avec art l’ambiance oppressante qui s’installe dès les premières pages de l’album et qui va crescendo pour atteindre son paroxysme à la toute fin. Le format à l’italienne et l’absence de cases proprement dites confèrent au lecteur la furieuse impression de visionner un western, confortablement installé dans un fauteuil de cinéma. La puissance graphique qui se dégage de chaque page est telle que, pour un peu, on sentirait le souffle mordant du vent soulevant des volutes de poudreuse, on entendrait le crissement des pas dans la neige, l’inquiétant hurlement d’une meute de loup, le bruit mat des sabots d’un cheval, l’impact d’un couteau dans la chair, le bruit d’un corps qui chute, d’une porte s’ouvrant avec fracas ou celui, sec et percutant, d’un coup de feu, à peine étouffé par la neige qui recouvre une nature somptueusement retranscrite…

Difficile en lisant l’album de ne pas songer au retentissant The Revenant d’Alejandro González Iñárritu, western iconoclaste porté par le talent d’un Leonardo DiCaprio… Et force est de reconnaître qu’on ne peut qu’être impressionné par le soin apporté aux cadrages qui charpentent la narration et confèrent à l’album une puissance graphique peu commune… Ajoutons à cela que, collection Noctambule oblige, l’album s’avère être un superbe objet, proposé dans un somptueux fourreau ajouré du plus bel effet… et vous n’aurez désormais plus aucune raison de ne pas vous ruez sur cet album hors norme…

Ce qui avait commencé comme un audacieux exercice de style sur les réseaux sociaux s’est changé en album par le truchement d’un financement participatif orchestré par Black & White avant d’être proposé par dans la somptueuse et élégante collection Noctambule…

Pour ce récit âpre et violent qui emprunte ses codes narratifs tant au western qu’au septième art, Thierry Martin s’est laissé guider au jour le jour par son inspiration pour signer une traque implacable et muette dans de somptueux paysages enneigés. Il se dégage de chacune de ses planches une force peu commune et le format atypique donne de l’ampleur au récit et la mesure du talent de l’auteur…

Avec cet album ou western aux accents de freejazz, les édition Soleil mettent à portée du plus grand nombre une œuvre unique jusqu’alors restée très confidentielle…