Shaalem au crépuscule du XIXe siècle. Olivia, jeune veuve diplômée d’histoire et descendante d’esclave, fête avec son amie Abbie, tenancière de bordel, l’obtention d’une autorisation de fouille archéologique dans le vieux cimetière de la ville lorsqu’une bande d’excités conduite par un soiffard dont elle avait repoussé les avances se dresse devant chez elle et l’accuse de sorcellerie, menaçant de la brûler.

Devant l’insistance d’Abbie, elle consent à lui laisser sa fille, Mercy, pour qu’elles se mettent toute deux à l’abri… Usant de sa connaissance des arcanes de la magie, Olivia parvient à neutraliser l’intrus mais ne peut empêcher sa maison de brûler et de s’écrouler sur elle… Le lendemain, le Juge Taylor tente de comprendre ce qu’il s’est passé cette nuit fatidique et, décide, devant l’instance de sa femme, de confier à cette dernière la tutelle de la petite Mercy…

Mais l’incendie de la nuit n’était que les prémisses d’évènements plus inquiétants encore… Car des sorcières sont à l’œuvre pour réveiller un puissant nécromant enfermé depuis près d’un siècle dans le Sarcophage des Âmes, au cœur d’une crypte secrète situé sous un caveau du cimetière de la ville…

La dream team de Terence Trolley se reforme pour signer un récit sulfureux qui nous entraîne dans une petite bourgade d’Amérique du Nord habitée par d’inquiétantes sorcières poursuivant de bien noirs desseins…

Au scénario, l’inénarrable Serge Le Tendre, scénariste de la fascinante Quête de l’Oiseau du Temps (dessiné par un certain Loisel) ou du Livre des Destins (sur un dessin de Franck Biancarelli), entre autres !. Au dessin, le talentueux Patrick Boutin-Gagné.

Avec un nom inspiré par la tristement célèbre affaire des Sorcières de Salem, le scénariste donne d’emblée le ton et l’on se doute que des sorcières officient réellement dans cette paisible bourgade de Shaalem… Mais si on croit, à tort, qu’Olivia n’est qu’une pauvre innocente désignée par une foule vindicative et revancharde, on s’apercevra bien vite qu’elle pratique elle-même l’a magie, ou tout au moins l’a pratiqué par le passé mais n’a plus le droit d’en faire usage.

Olivia et Abbie, rejointe par Hugo, ancien Hercule de cirque et secrètement amoureux de la tenancière de bordel, forment un trio attachant de par les liens qui les unissent et qui sont retranscrit avec un savoir-faire évident… Mais on a la furieuse impression que le récit est un peu trop à l’étroit dans cet album pour donner à ces personnages l’ampleur nécessaire pour qu’ils entraînent le lecteur dans l’histoire et obtenir sa pleine et entière adhésion… Les évènements s’enchaînent sur un rythme presque trop soutenu pour ménager le suspens et poser cette ambiance qu’on ne fait qu’effleurer. On sort de la lecture d’autant plus frustré que seule la pagination semble avoir empêché l’auteur d’installer le climax qui aurait rendu son récit plus tendu et captivant encore… On ne peut qu’espérer que la porte laissée entrouverte par le scénariste à la fin de l’album lui permette de poursuivre son histoire tant on apprécie ces protagonistes et que son univers fantastique est loin d’avoir livré tous ses secrets…

On retrouve avec plaisir le dessin stylisé de Patrick Boutin-Gagné, joliment mis en valeur par les couleurs soignées d’Alessia Nocera qui donne du volume à ses compositions. Son trait nerveux et anguleux et son traitement des ombres posent avec subtilité des ambiances sombres et fantastiques. Le travail réalisé sur les décors rend quant à lui l’ensemble particulièrement crédible et cohérent. Mais ce sont tant la précision de ses cadrages que son découpage varié et inventif entièrement tourné vers la narration qui impressionnent et marquent durablement le lecteur…

Le Sarcophage des Âmes est un album en demi-teinte, enthousiasmant par certains aspects et un brin décevant par d’autres.

Le trio formé par Olivia, jeune veuve métisse diplômée en histoire, Abbie, tenancière de bordel et Hugo, colosse qui brûle secrètement d’amour pour elle, s’avère bougrement intéressant et leur relation est retranscrite avec une grande finesse les rend tous trois très attachants. Comment ne pas être intrigué par cette Guilde qui n’est qu’à peine évoquée mais qui densifie l’univers fantastique composé par l’auteur et dont l’intrigue développée dans ce tome semble n’être que la partie émergée… Mais l’histoire proprement dite, si elle s’avère entraînante et parfaitement cohérente, peine à prendre son envol, comme écrasée par une pagination trop étriquée… C’est d’autant plus dommage que les compositions de Patrick Boutin-Gagné et son trait élégant et anguleux sont comme de coutume de haute tenue.

Ce récit de maléfices et de sorcellerie aurait mérité d’être développée en diptyque… mais nous espérons que la porte laissée entrouverte à la fin de l’album nous permette de suivre de nouvelles aventures de ce trio de héros hauts en couleurs et d’en apprendre davantage sur l’univers imaginé par ce scénariste chevronné qu’est Serge Le Tendre…

- J’ai mal…
- Où ça ? Où as-tu mal ma belle ? Mes mains… elles sont brûlantes.
- Je ne vois rien.
- Si, si, à l’intérieur… le feu… Le feu !... Partout, le… feu…dialogue entre Mercy et Abbie