Avril 1789. Après cinq mois d’escale à Tahiti, le Bounty croise aux large des Îles Tonga avec à son bord des arbres à pains destinés à nourrir les esclaves des colonies antillaises. Mais le 28, des mutins menés Flécher Christian, le second du navire, capturent le navire et abandonnent à leur sort le capitaine Bligh et les marins lui étant restés fidèles…

Sous la houlette de Christian, le Bounty fait voile vers Tahiti pour y acheter bétails et provisions avant de trouver une île où les mutins pourront bâtir une société idéale. Mais l’utopie à laquelle Flécher Christian rêvait va bien vite virer au cauchemar…

C’est tout d’abord le formidable dessin de Gyula Németh qui impressionne… Et ce d’autant plus qu’il signe avec Pitcairn - l'Île des Révoltés du Bounty son tout premier album… Son talent explose dès la couverture avec ce somptueux visuel du Bounty faisant face à une pirogue à balancier. La finesse de son encrage, ses cadrages aussi audacieux que virtuoses, sa façon si particulière de jouer avec les contrastes ou la ligne d’horizon et sa mise en couleur des plus subtiles rendent ses planches particulièrement belles. Son remarquable travail sur les décors retranscrit avec force l’atmosphère maritime qui baigne comme il se doit ce premier tome…

Le romancier Sébastien Laurier s’associe à Mark Eacersall, l’impressionnant co-scénariste (avec Henri Scala) du saisissant GoSt 111 (dessin de Marion Mousse) et auteur du très remarqué Tananarive (sur un dessin de Sylvain Vallée), pour adapter son roman, Le Bounty à Pitcairn, en bande-dessinée. Leur récit d’aventure maritime s’avère particulièrement entraînant et l’on suit avec intérêt le charismatique Flécher Christian tente de donner corps à son rêve de bâtir une société plus juste…

Deux partis pris originaux ou audacieux rendent leur histoire particulièrement captivante. Le premier est de confier la narration à Mary Ann Christian, la propre fille du célèbre mutin dont la figure éminemment romanesque n’a pas fini d’inspirer romanciers et cinéastes. N’ayant pas lu le roman, je ne sais quel parti pris historique prendront les auteurs. La mort de Flécher Christian sur les îles Pitcairn ou son retour en Angleterre attesté par certaines sources ? Mais l’existence même de cette fille accréditent l’idée que son rêve a été, malgré tout, fécond.

L’autre artifice narratif est plus surprenant : le récit commence juste après la mutinerie qui n’est qu’évoquée dans les discussions, laissant le soin au lecteur de reconstituer le fil des évènements. Il eut été plus simple de décrire avec quelques scènes clefs la tyrannie du capitaine Bligh et la façon dont il s’est mis à dos une bonne partie de son équipage par des mesures coercitives et des privations. Mais les auteurs n’ont pas choisi la facilité, faisant confiance aux lecteurs pour combler ces lacunes volontaires pour mieux centrer leur récit sur le rêve utopique de cette poignée de mutins qui va se fracasser sur les écueils de Pitcairn…

Le scénariste de GoSt 111 et de Tananarive s’associe au romancier Sébastien Laurier pour adapter son roman décrivant le rêve utopique des fameux révoltés du Bounty, immortalisés par le film de Lewis Milestone dans lequel le romanesque Fletcher Christian était incarné par l’impressionnant Marlon Brando.

Le scénario s’intéresse, non pas à la mutinerie, mais aux évènements qui suivirent et au rêve utopique de Fletcher Christian de bâtir une société idéale. Mais les idéaux ne suffisent pas à réaliser un rêve et l’enfer est pavé de bonnes intentions… Si le récit s’avère tragiquement captivant, il révèle surtout le saisissant talent de Gyula Németh, un jeune auteur qui signe là un premier album remarquable et parfaitement maîtrisé.

Terre Promise, premier tome de Pitcairn - l'Île des Révoltés du Bounty est un récit d’aventure historique entraînant dont il nous tarde de lire la suite, bien que l’on sache que l’on s’achemine vers une conclusion tragique…

- Tout ça, c’est à cause de moi.
- Oui, tu es le chef.
- Ce n’est pas ce que je voulais.
- la guerre c’est normal ici, tu as bien agi. Tu défends tous tes hommes.
- Je voulais juste gagner ma vie, aider ma mère, ma famille. Rétablir mon nom.
- C’est bien.
- Je ne pourrais plus jamais les voir. Et maintenant ce bateau… Cet équipage…
- Un chef donne avant de recevoir.dialogue entre Fletcher Christian et sa compagne