



1984. Artistes, ingénieurs, et industriels ont fait de Paris le centre du monde…
Sans le savoir, une poignée d’hommes et de femmes allaient faire naître un art nouveau. Leur nom ? Louis et Auguste Lumière, Léon Gaumont, Charles Pathé, Alice Guy, Georges Méliès… La concurrence entre ces jeunes ambitieux visionnaires sera rude et impitoyable et si leur affrontement se passent tout d’abord du côté de la technique pure et des brevets d’invention, il se déporte rapidement sur le champ de la créativité et de l’imagination, esquissant les contours de ce qui allait devenir l’industrie du cinéma…
Doté d’une pagination généreuse, d’un élégant dos toilé et d’une couverture somptueuse, ce premier tome des
Pionniers nous fait clairement de l’œil… d’autant qu’on tombe d’emblée sous le charme du fascinant dessin de Jean-Baptiste Hostache dont le talent nous avait envoûté avec
Clockwerx mais aussi et surtout sur la
Naissance du tigre scénarisé par Feldrik Rivat et se déroulant à la même époque…

Son trait épuré et élégant, ses couleurs délicates, ses compositions subtiles, sa façon si particulière d’esquisser les décors et son saisissant talent pour d’animer et de donner vie à chacun de ses personnages rend la lecture de l’album absolument passionnante.
S’appuyant sur une solide base documentaire, l’histoire de Guillaume Dorison est en tous points fascinante. Car si tout un chacun connaît ces grands noms qui ont contribué à l’essor du cinéma, peu connaissent les liens qui existaient entre eux et la concurrence féroce qu’ils se livraient, tant sur le plan technique que sur le plan créatif… On découvre ainsi deux grands entrepreneurs ambitieux et prêts à tout pour s’imposer : Les frères Lumière qui ne croyaient pas au succès de leur invention; Charles Pathé qui va d’abord d’échecs en échecs et tente de prouver sa valeur à son père mais qui a un indéniable don de déceler chez ses concurrents la trouvaille qui pourra faire sa fortune et qui a l’idée de génie de diffuser les films via les forains; Léon Gaumont, entrepreneur visionnaire et grand rival de Pathé, qui aura la brillante idée de développer des salles de projections dotées d’écrans géants et de permettre à

Alice Guy, qui fut tout d’abord sa secrétaire et qui prit précocement conscience du formidable potentiel narratif du cinéma de laisser s’exprimer sa fascinante inventivité; Georges Méliès, prestidigitateur de métier qui, découvrant l’invention des frères Lumière, comprend d’emblée ce qu’il pourrait en tirer pour son théâtre et qui, après un incident technique où un omnibus se transforma en corbillard, imagina de nombreux trucages qui furent bien vite copiés par d’autres créateurs et conçut le tout premier studio de cinéma… Tout ce petit monde se connaissait, se côtoyait et s’inspirait du travail et des trouvailles des autres pour enrichir le leur et tenter de s’enrichir…
Mais le récit de Guillaume Dorison, articulé autour de la tragédie du Bazar de la Charité, montre aussi combien le cinéma naissant, surnommé par la presse la « Machine du Diable », a pu susciter une violente opposition dans l’opinion publique et que, sans l’énergie et force de conviction de ces pionniers du cinéma, il aurait pu rester une invention éphémère sans lendemains et non devenir cette incroyable industrie et la formidable usine à rêve que l’on connaît…

Les Pionniers nous entraîne dans les coulisses de ce qui allait devenir le septième art à la suite d’entrepreneurs visionnaires, de brillants ingénieurs et de créateurs imaginatifs dont les noms sont entrés dans l’histoire sans que le grand public sache qu’ils se côtoyaient, se connaissaient et rivalisaient d’ingéniosité et de coups bas pour prendre l’ascendant sur les autres…
S’appuyant sur une idée originale de Damien Maric et sur une solide documentation historique, Guillaume Dorison tisse un scénario passionnant et fascinant servi par les somptueux dessins de Jean-Baptiste Hostache dont le trait élégant et épuré est subtilement rehaussé par une mise en couleur délicate et nuancée.
Avec sa pagination généreuse et son édition soignée, La Machine du Diable est un album aussi édifiant qu’envoûtant qui s’avère d’ores et déjà incontournable pour les amoureux du septième et du neuvième art…
- Il semblerait bien que les frères Lumière vous ait volé la vedette avec leur cinématographe…
- Et c’est très bien comme ça. Retenez bien ma prophétie Verrin. La course à la technologie est vaine. Tout va se jouer sur le contenu. D’ailleurs, Madame Guy tourne nos futures fictions. Un travail de mise en scène élaboré, avec de véritables comédiens. Une sortie d’usine ? L’arrivée d’un train en gare ? A quoi bon filmer notre quotidien trop souvent insipide ? Le cinéma doit nous permettre d’échapper à la réalité, comme une machine à rêver.
- Non ! Le cinéma doit être la machine de la réalité, ouvrir les yeux du spectateur sur le monde qui nous entoure.dialogue entre Fernand Verrin, journaliste au figaro, Gaumont et Pathé