Le terrible raz-de-marée qui a ravagé les côtes des Terres d’Arran a laissé de profonds stigmates alors que les populations se remettaient difficilement des ravages provoqués par Laah’saa et sa horde de goules. Tandis que les elfes bleues érigent une nouvelle capitale sur les ruines de l’antique cité d’Ennlyia, les hommes les tiennent pour responsables des malheurs qui les accablent et nourrissent envers eux une haine grandissante…
Mais lorsque quatre charpentiers elfes sont retrouvés morts dans la forêt dans une mise en scène macabre, Lanawyn et sa jeune apprentie Ylanoon n’ont d’autre choix que de se rendre à Kavon’An, cité peuplée par les hommes venus de Nodrënn après la guerre des goules et où les elfes ne sont clairement pas les bienvenus…
Pourtant, après leur avoir été froidement reçus par l’irascible bourgmestre de la cité, ce dernier reconnaît qu’ils ont des ennemis communs : des marchands venus approvisionner la cité ont connu le même sort que les charpentiers elfes… Aussi mandate-t-il Konnor, l’un de ses hommes, pour seconder Lanawyn dans son enquête qui les conduira dans les replis les plus sombres et les plus inhospitaliers de la ténébreuse forêt environnante.
Une fois encore, Jean-Luc Istin parvient à nous surprendre en tissant un polar ciselé où, malgré leurs dissensions et leurs ressentiments, hommes et elfes vont devoir coopérer pour élucider une série de meurtres rituels inquiétants et sanglants…
Le scénariste chevronné qui fait parti des plus admirables conteurs des Terres d’Arran parvient avec art à poser une atmosphère étouffante en nous entraînant dans ces contrées ravagées par un raz-de-marée après l’avoir été, comme le reste des terres connues, par la sinistre Guerre des Goules. Les meurtres rituels font planer une sourde menace qui va aller grandissante au fil des pages pour un final ébouriffant emmené avec brio. Maîtrisant les ficelles du genre et truffant son récit de références, tel cet étrange prisonnier évoquant l’inquiétant psychiatre psychopathe incarné par Anthony Hopkins dans le Silence des Agneaux de Jonathan Demme… Offrant de nombreux rebondissements, l’enquête, solidement charpenté, tient le lecteur en haleine de bout en bout.
Mais une fois encore, Jean-Luc Istin ne se contente pas de raconter une histoire, il l’intègre dans une trame fascinante qui fait d’Elfes, Nains, Ogres & Gobelins et de Mages l’une des aventures les plus ambitieuses de la bande-dessiné d’heroic-fantasy. Le monde n'est pas figé mais en mouvement perpétuel, les différentes séries s’enrichissant l’une de l’autre pour former un tout vertigineusement cohérent… Ce n’est pas pour rien que cet univers sert désormais de cadre à un jeu de rôle !
Mais c’est aussi le soin apporté à chacun des personnages qui rend le récit si captivant et addictif. On a comme de coutume la furieuse impression que chacun d’entre eux est doté d’un passé solide qui n’est qu’esquissé dans l’histoire, et, pour ceux qui survivront, d’un avenir, voir d’un destin… Les différents albums peuvent certes, pour la plupart, se lire indépendamment les uns des autres… Mais c’est l’ensemble de cette œuvre tentaculaire qui rendent l’univers aussi dense que crédible qui confère cette saveur unique à chaque nouvel album qui n’est qu’une pièce de plus à ajouter à ce puzzle scénaristique et narratif fascinant… La dernière case de l’album esquisse l’amorce d’un nouvel arc narratif enthousiasmant à même de bouleverser en profondeur l’histoire des Terres d’Arran…
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Comme de coutume, Kyko Duarte signe des planches de haute tenue. Magistralement composée, elles nous offrent des visuels saisissants d’une cité d’Ennlya en pleine reconstruction et d’une Kavon’an d’inspiration viking particulièrement impressionnante. Ses cadrages font une fois de plus merveille, et posent avec maestria cette ambiance inquiétante digne des meilleurs thrillers horrifiques. Empruntant au langage cinématographique, la séquence où l’on découvre la scène de crime à travers le visage horrifié de la jeune Adoni est une petite merveille d’efficacité. S’il n’y avait les superbes couleurs de J. Nanjan, je ne pourrais que vous conseiller de vous procurer la somptueuse version noir et blanc de l’album pour mieux apprécier encore le formidable travail du dessinateur espagnol… Mais les couleurs étant ce qu’elles sont, je ne vois pour ma part d’autre solution que d’acheter les deux versions !
Jean-Luc Istin et Kyko Duarte nous entraînent à nouveau dans les Terres d’Arran pour un récit d’heroic-fantasy aux accents de polars horrifiques…
Alors que la Guerre des Goules et le raz-de-marée ont décimé les contrées côtières et que la haine des hommes à l’égard des elfes qu’ils jugent responsables de tous leurs maux va grandissante, Lanawyn va devoir pactiser avec eux pour élucider une étrange et sanglante affaire de meurtres rituels qui touchent leurs deux communautés.
S’inscrivant dans la trame de l’univers, remettant en scène une elfe bleue emblématique, ce trente-et-unième tome d’Elfes nous propose un polar fantastique particulièrement captivant… La scène finale annonce de grands bouleversements en profondeur et l’amorce d’un nouveau cycle ambitieux dont on attend la sortie avec une impatience non feinte…
Dis-moi, Lanawyn, quelqu’un qui ne tue pas pour l’or, qui ne tue pas un ennemi, il tue pour quel motif ?Konnor