Sur ordre de sa mère qu’elle ne connaît que peu, Lucie s’en est allé vivre chez son oncle et sa tante dans le château de Crapaudine, une vénérable bâtisse normande isolée du monde. L’accueil y est glacial et la maladresses de la jeune fille n’arrangent pas les choses.

Par une fenêtre, elle aperçoit un magnifique jardin entouré de mur qu’elle semble être la seule à voir… Alors qu’elle prenait le goûter avec sa tante et son cruel et maladif cousin, elle voit une créature se glisser dans le sac contenant son nécessaire à dessin, pour échapper à un chat particulièrement menaçant… S’isolant dans sa chambre pour vider le contenu de son sac sur son lit, elle fait la rencontre de Marigold, une jeune fée rebelle à l’autorité de sa Reine avec qui elle va se lier d’amitié…

La fée et un mystérieux manuscrit écrit par le grand-père allait lui en apprendre davantage sur le monde des fées dont il se pourrait qu’elle devienne la prochaine bergère…

Si le récit semble destiné à la jeunesse, j’avoue avoir été littéralement envoûté par ce récit qui nous entraîne dans un univers délicieusement féérique à la lisière de deux mondes qui ne se côtoient peu : celui des fées et celui des hommes.

L’atmosphère qui baigne le récit n’est pas sans évoquer celui qui entoure l’étrange affaire des fées de Cottingley, histoire par ailleurs magnifiquement adaptée par Sébastien Perez et Sophie De La Villefromoit dans leur somptueux album… Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si l’autrice donne le nom de Cottingley à la famille de Lucie, faisant clairement référence à ces évènements et à cette série de cinq photographies qui défrayèrent la chronique et convainquirent Conan Doyle et bon nombre de ses contemporains de l’existence des fées… Mais Audrey Alwett ne se contente pas de mettre en scène des fées conforme à l’image qu’elles véhiculent dans les contes et légendes… Elle revisite avec une saisissante inventivité la figure même des fées en tissant de subtiles analogies entre ces créatures et les abeilles, de leur organisation en ruche autour d’une reine, aux miels qu’elles fabriquent et qui sont dotés de propriétés magiques, sans oublier les vœux qu’elles peuvent certes exhausser mais au prix de leur vie, comme les abeilles ne peuvent piquer qu’une fois avant de mourir… Et il y a leur parler savoureux et imagé, surprenant mais compréhensible, qui vient renforcer l’idée d’une civilisation dotée de sa culture, de ses règles et de ses coutumes…

Le personnage de Lucie s’avère particulièrement attachant, avec sa touchante maladresse, la relation surprenante qu’elle entretien avec sa mère, l’étrange mission dont elle est investie sans en connaître encore les tenants et les aboutissants, son don pour le dessin et sa fascination pour les plantes qui la rend d’emblée proche du monde des fées… Alors que l’oncle, la tante et le cousin s’évèrent d’emblée antipathique… voire franchement malsains avec cette étrange maladie qui corrompt tout ce qu’ils touchent… La façon dont le monde des hommes et celui des fées s’imbriquent est aussi particulièrement ingénieuse, avec cette idée de berger humain dont la mission et de les protéger de ses semblables et des dangers qui guette ces être magiques tout à la fois fragiles et puissants… En cela, le journal intime d’Angus Cottingley qui vient ponctuer l’histoire et l’éclairer d’une lumière nouvelle est une ingénieuse trouvaille qui rend le récit plus riche et immersif encore, dévoilant notamment l’existence de chasseurs de fées qui menacent les ruches en général et celle de la Crapaudine en particulier…

Pour donner vie à cet univers magique et foisonnant, il fallait un dessin féérique à même de distiller la magie des fées au fil des cases et des pages. Et le fait est que celui de Nora Moretti, littéralement sublimé par les somptueuses aquarelles numériques de Cytros Treb, artiste signant pour la première fois les couleurs d’un album, est une petite merveille d’élégance et de beauté. Révélée par son travail sur Princesse Sara, best-seller des série jeunesse, la dessinatrice vénitienne fait une nouvelle fois montre de son talent de composition alors que son trait expressif aide le lecteur à saisir le caractère de chacun des personnages au travers des peurs, des joies, des angoisses, des colères et de leur émerveillement que son trait expressif retranscrit avec une indéniable aisance…

S’il se destine à la jeunesse, ce Jardin des Fées enchantera tout autant les parents par la magie féérique distillé par l’histoire que par l’originalité des fées qu’elle met en scène…

Obligée par une mère qu’elle connaît peu à aller vivre chez son oncle et sa tante dans le château de Crapaudine, Lucie est une jeune fille maladroite douée pour le dessin et passionné par la flore… Chargée d’une étrange mission dont elle ne perçoit pas encore la nature véritable, elle va faire la rencontre d’une fée rebelle à l’autorité désirant ardemment sauver sa ruche. La solide amitié qui allait naître entre elles-deux allait les entraîner dans des aventures fantastiques aussi dangereuses que passionnantes qui étendent leur racine jusqu’au grand-père de Lucie…

Somptueusement dessinée par la talentueuse Nora Moretti, sublimé par les couleurs lumineuses de Cytros Treb, le scénario d’Audrey Alwett, co-scénariste du Grimoire d'Elfie, de Route 78 ou de Voyage aux Ombres, s’avère particulièrement convaincant, d’autant qu’elle revisite avec audace et inventivité la figure des fées…

Premier tome d’une série jeunesse plus que prometteuse, Bergère des Fées est un album tout simplement enchanteur qui donne bougrement envie de lire la suite pour en apprendre plus sur la mission de Lucie et sur le monde des fées…

- Incroyabuleux ! Je savais pas que c’était possible de dessiner aussi bien.
- C’est parce que c’est une photo.
- C’est quoi une photo ?
- Angus Cottingley… C’est le père de Rose, j’ai vu sa tombe ! Alors cette famille connaît l’existence des fées ?
- Ça m’étonnerait. J’observe ces très-grands par-dessus le mur depuis des années, et ils font pas du tout vigilance à notre jardin.dialogue entre Marigold et Lucie