1968. La République de Maurice accède à l’indépendance après avoir vécu 185 ans sous domination britannique. Les habitants des Chagos, archipel jusqu’alors rattaché à Maurice, sont réunis sur la plage : ils ont une heure pour faire leurs bagages et quitter les lieux, abandonnant sur place leur maison, leurs bêtes et leurs meubles…

Parmi eux, Marie-Pierre Ladouceur, native de Diego Garcia et y a vécu une folle passion avec Gabriel, un mauricien venus seconder l’administrateur colonial. De leur union est né Joséphin qu’ils ont élevé avec amour et bienveillance… Mais un doute sur la paternité de l’enfant a causé leur séparation peu avant que les insulaires soient chassés de leur île…

Mais leur désespoir et leur déchirement allaient laisser place à la colère alors qu’une base militaire américaine s’installait sur l’île de Diego Garcia…

Avant la lecture de cet album, adapté du roman de Caroline Laurent, j’avoue que j’ignorai jusqu’à l’existence même des îles Chagos et donc, a fortiori, de leur histoire… Etrange qu’un tel drame humain ait pu à ce point être passé sous silence malgré le sort révoltant qui fut réservé aux îliens par les autorités britanniques.

Ancienne colonie française abandonnée aux britanniques par le Traité de Paris en 1814, les Chagos ont été les victimes collatérales de l’indépendance de Maurice… Car, de par sa position stratégique, l’île de Diego Garcia, située au sud de l’archipel, occupait une position stratégique et fut convoité par les Etats-Unis pour y établir une base militaire qui leur permettrai d’intervenir partout dans la région et de contrôler les voies commerciale et maritime de la région. L’ile fut ainsi cédée par la Grande Bretagne à ses cousins américains, sans que cela ne soit aucunement entériné par le parlement britannique avec une clause hallucinante : les USA exigèrent un contrôle exclusif des lieux… Les autorités britanniques ont donc commencé par empêcher les îliens quittant l’île de revenir avant d’organiser une pénurie alimentaire et médicale pour inciter les habitants à quitter volontairement Diego Garcia… Pour finir, la population fut purement et simplement déportée, sans autre forme de procès…

La force du récit est de nous raconter cette histoire à hauteur des hommes et des femmes qui l’ont vécu et qui ont subit les petits arrangements entre les grandes puissances coloniale de l’époque. L’idylle entre Marie-Pierre, native de l’île, et Gabriel, travaillant pour la puissance coloniale, permet de donner un portrait saisissant de la situation des habitants des Chagos et de celle des administrateurs des colonies qui durent signer une clause de confidentialité relative aux tractations entre américains et britanniques qui allaient durablement sceller le destin de l’île et de ses habitants. La relation tumultueuse entre les deux amants vient rythmer le récit et permet à la lutte pour faire reconnaître le des chagossiens à retrouver leur terre de s’incarner pleinement…

Le dessin sensible de Rachid N'haoua s‘avère précis et élégant grâce à un encrage délicat et une mise la couleur lumineuse de Degreff. Pour son premier album de bande-dessinée, le dessinateur fait montre d’une parfaite maîtrise des codes graphiques, soignant tant les décors dont il retranscrit l’atmosphère avec subtilité que les personnages qu’il parvient à rendre aussi crédibles qu’attachants.

Vers la fin des années 60, alors que l’Île Maurice accédait à l’indépendance, les habitants des îles Chagos furent contraints de quitter leur maison et d’abandonner tous leurs biens, victimes de tractations hallucinantes entre les autorités britannique et américaines, désireux d’installer une base militaire sur l’île de Diego Garcia… Cette histoire tragique nous est contée à hauteur de femme, à travers une histoire d’amour belle et tumultueuse qui sert de fil rouge au combat de Marie-Pierre Ladouceur pour faire reconnaître ses droits et ceux des chagossiens…

Avec Rivages de la Colère, Laurent Galandon et Rachid N'haoua, qui signe un premier album parfaitement maîtrisé, font œuvre de mémoire en adaptant le roman éponyme de Caroline Laurent, levant le voile sur un drame humain étrangement méconnu… Un livre salutaire, pour que nul n’oublie…

- Sur le papier l’indépendance est séduisante… Elle apporte l’autonomie, la liberté… Mais le pays saura-t-il s’organiser ? Donner des perspectives à ses enfants ?
- Pourquoi ne saurait-il pas ? Parce que les blancs et les créoles ne prendront plus toutes les décisions ?dialogue entre Gabriel et Marie-Pierre