Née le 7 août 1560 et promise dès ses onze ans à Ferenc Nádasdy qui deviendra commandant en chef des troupes hongroises en guerre contre l’Empire Ottoman, la comtesse Élisabeth Báthory assura la régence et la défense de ses domaines lorsque son époux partait guerroyer.
Lorsque son mari meurt en 1604, c’est tout naturellement que cette femme lettrée et cultivée, prend les rênes du pouvoir… Mais cela n’est pas du goût de tous et le pasteur luthérien István Magyari s’emploie à démontrer que la comtesse a fait preuve d’une cruauté sans borne et d’une violence condamnable envers de jeunes femmes… Lors d’un procès retentissant qui fera courir les plus folles rumeurs, ses proches serviteurs avouent avoir commis les pires atrocités sur les ordres de leur maîtresse, après avoir subi moult tortures indicibles…
S’ils ont été condamnés à mort, la Comtesse Báthory fut quant à elle assignée à résidence. Elle mourut en captivité dans son château de Čachtice. La légende noire s’emparera de ce personnage pour en faire « la Comtesse Sanglante »…
A l’instar d’un Vlad Tepes qui donna matière au Dracula de Bram Stoker ou de la figure de Gilles de Rais dont certains pensent qu’il inspira Charles Perrault pour son Barbe Bleu, la Comtesse Élisabeth Báthory est entourée d’une aura sulfureuse qui lui vaudra d’être le protagoniste de nombreux romans, films, albums ou jeux vidéo…
Anne-Perrine Couët se propose de nous brosser le portrait de cette femme, féministe avant l’heure, qui osa exercer pleinement le pouvoir à une époque où il était accaparé par la gent masculine… S’appuyant sur une solide documentation, par ailleurs citée en fin d’ouvrage après une chronologie étoffée de la vie de la comtesse, l’autrice tisse un récit captivant s’ouvrant sur le procès fait à ses plus proches serviteurs pour la discréditer. On y voit des quatre hommes et femmes au visage tuméfié et aux corps meurtris, dont on devine qu’ils ont été torturés, devant répondre à des accusations ignobles…
Ce procès servira de fil rouge au récit, de nombreux flashback venant le ponctuer pour mettre en scène des fragments de vie de ce personnage envoûtant qu’est la comtesse, de ses jeunes années jusqu’à son arrestation. Cette alternance narrative rythme de façon saisissante ce récit historique et permet, entre la vision donnée d’elle par le procès de ses suivants et la description de sa vie telle qu’elle fut, d’esquisser le portrait saisissant et nuancé, et sans nul doute plus proche de la vérité, de cette femme dont la puissance inquiéta les hommes de son temps et qui semblait soucieuse, comme tend à le prouver sa correspondance, du bien-être de son peuple… Introduisant un élément à la lisière du fantastique, la dernière séquence de l’histoire s’avère tout juste brillante, ébranlant les certitudes que le lecteur a construit au fil de la lecture de l’album et rappelant que les accusations de sorcellerie furent bien souvent invoquées pour se débarrasser de femmes revendiquant une certaine indépendance…
Evoquant des gravures anciennes de par la technique et le sujet représentés, le dessin de Anne-Perrine Couët nous immerge dans cette époque violente et troublée ou la justice n’était qu’une chimère pour peu que des puissants aient juré votre perte, comme en témoignent les scènes de tortures, difficilement soutenables. Sous un vernis de sorcellerie, l’engrenage politique qui devait broyer la comtesse se met peu à peu en branle, ne laissant à l’accusée, bien qu’elle fût dispensée de procès, aucune chance de s’en sortir par la grande porte… Son trait subtil se fait parfois délicieusement caricatural pour accentuer l’absurdité de certaines accusations ou la sidération de certains hommes de croiser des femmes éprises de liberté et d’émancipation…
Avec Bathory - La comtesse maudite, Anne-Perrine Couët revient sur l’histoire de la « Comtesse sanglante », grattant le vernis de la légende noire pour révéler le portrait saisissant de la femme de pouvoir qu’elle fut…
Retranscrivant avec finesse l’hallucinant procès de ses plus proches serviteurs, qui furent tous exécutés après avoir été torturés pour qu’ils avouent s’être livré à des actes abjects, l’autrice nous raconte la vie de ce personnage qui fit couler beaucoup d’encre et qui exerce, des siècles après sa mort, un étrange pouvoir de fascination…
Les pires méfaits dont on l’a accusé et les pratiques cruelles et sanglantes dont on l’a prétendu coupable se résument au final à une seule faute : celle d’être née femme…
- Je dois cependant vous rappeler que nous avons d’urgentes affaires à régler. Il me faudra engager sans tarder des artisans pour réparer les combles des chais qui menacent de s’effondrer. Bien sûr, des dépenses devront être faites en conséquence…
- Ferenc, si vous me permettez, notre mission ne saurait vous éloigner trop longtemps. Ces dépenses peuvent attendre votre retour et ainsi la comtesse ne serait pas importunée par ce désagréments…
- Votre sollicitude nous touche, Monsieur.
- Soyez rassuré : loin de m’importuner, l’intendance de nos domaines est mon devoir d’épouse.dialogue entre György Thurzo, Élisabeth Báthory et son époux