Janvier 1790. Après bien des pérégrinations, les mutins du Bounty semblent enfin avoir trouvé une île déserte et isolée des routes commerciales pour bâtir leur utopies : Pitcairn.
Jadis habitée par les polynésiens, ce bout de terre semble en effet offrir aux survivant des révoltés un havre de paix. Mais tout reste à faire pour la petite communauté de vingt-sept hommes et femmes, anglais et tahitiens et poser les bases de la société libre, juste et égalitaire à laquelle ils aspirent.
Et apprendre à vivre ensemble ne se fera pas sans heurts. A l’exaltation des débuts ils iront de désillusions en désillusions… Et, bien vite, leur petit coin de paradis va se transformer en véritable enfer, déchirant les communauté… L’incendie accidentelle ou non du navire allait créer les premières tensions alors que la mort de la femme de Williams, forgeron de la communauté allait les exacerber…
Adapté de
Pitcairn - l'Île des Révoltés du Bounty, roman de Sébastien Laurier couronné du Prix du Livre Insulaire de Ouessant en 2017,
Pitcairn - l'Île des Révoltés du Bounty, se propose de nous parler de cette communauté d’hommes et de femmes qui ont posé le pied sur l’île de Pitcairn pour y fonder une colonie égalitaire…
Les amateurs de récits maritimes savent que lorsqu’un navire a abordé sur l’île plusieurs années plus tard, en 1814, il n’y avait plus sur l’île qu’un seul homme, des femmes, et plusieurs enfants… On se doute donc que le récit prendra rapidement un tour tragique et que du rêve à sa réalisation, il y aura le gouffre insondable de notre humanité. Le scénario est une fois encore parfaitement orchestré. Au fil des scènes, la tension se fait de plus en plus palpable entre anglais et tahitiens. De plus en plus isolé, Flécher Christian ne peut constater, amer, le naufrage de ses idéaux, alors que la haine de Manalee pour les anglais va aller grandissant… Leur amitié résistera-t-elle à l’épreuve du temps ?
Le dessin puissant de Gyula Németh s’avère fascinant. Son encrage souple et élégant lui permet de réaliser des compositions saisissantes où l’artiste joue avec des masses d’ombres pour structurer ses cases et ses planches. Difficile de ne pas être impressionné par le remarquable travail de l’artiste sur les ombres et lumières, tant dans les scènes de jour où il use du contrejour avec art et fait filtrer quelques rais de lumière au travers de l’épaisse végétation, que dans les séquences nocturnes où la lumière vacillante des feux projettent des ombres dansantes qui soulignent avec une rare efficacité la tension de certaines scènes, telle celles du vote concernant le sort des femmes des tahitiens…
A l’instar de celle du premier tome, la couverture s’avère magnifique. Dès le premier regard, on comprend que l’utopie des mutins va tourner au cauchemar, alors que le Bounty et en train de brûler et que les couleurs paradisiaques du premier tome ont été remplacés par le rouge des flammes de l’Enfer que contemple, impuissant, un Fletcher Christian que l’on devine tenaillé par des choix cornéliens.
Une nouvelle vie commence pour les mutins rescapés et les tahitiens : ils ont enfin trouvé le havre de paix dont il rêvait pour établir leur société utopiques… Mais le rêve va rapidement virer au cauchemar alors que le Bounty a brûlé, anéantissant toute possibilité de quitter l’île.
Solidement charpenté, ce récit d’aventure historique adapté du roman de Sébastien Laurier avec la complicité de Mark Eacersall, s’avère superbement mis en image par le trait épuré et puissant de Gyula Németh qui joue avec art avec la lumière et les contrastes pour servir cette histoire sombre et tourmentée…
Superbe et inquiétante, la dernière planche de l’album laisse augurer une fin on ne peut plus tragique…
On vient de trouver notre île, on ne va pas se faire la guerre… Croyez-moi, il y a tout ce qu’il faut ici !Flécher Christian