La bataille de Raqqa a eu un fort retentissement dans nos démocraties occidentales. Après quatre mois d’une lutte acharnée, les Forces démocratiques syriennes, épaulées par la coalition internationale, parviennent à reprendre la ville jusqu’alors contrôlée et occupée par les djihadistes.

Parmi les combattants, des engagés volontaires venus des quatre coins du globe pour défendre, au péril de leur vie, les valeurs qui sont les leurs… Au sein de cette troupe hétéroclite composées d’anciens soldats aguerris, André Hebert, un militant français devenu combattant dans les troupes kurdes luttant pied à pied contre Daesh comme d’autres avaient rejoint les Brigades Internationales pour lutter contre le régime fasciste imposé par Franco en 1936. Il avait ouvert les yeux sur le danger que représentait les combattants de Daesh quand les gouvernements occidentaux espéraient qu’ils les débarrasseraient du régime syrien.

Son récit est indéniablement bouleversant car le jeune homme y livre un témoignage de première main sur son parcours atypique, avec la bataille de Raqqa en point d’orgue : les origines de ses engagements politiques, la décision du départ pour défendre les valeurs auxquelles il croit et qui sont piétinées par les hommes de Daesh et défendues par les Kurdes du Yekîneyên Parastina Gel (Les Unités de protection du peuple); les mensonges fait à sa famille, son départ, sa formation au sein de l’unité Internationale, les premières semaines de guerre et la volonté d’être envoyé en première ligne jusqu’à la chute de Raqqa… la peur, l’ennui, l’exaltation des combats et la difficulté à ne pas y perdre son humanité en se comportant comme les hommes de Daesh... Sans oublier la « vie d’après », le difficile retour à la vie civile où il fut un temps suspecté d’être un homme de Daesh… jusqu’à son retour pour participer à la chute de Raqqa…

Mais il ne se contente pas de parler de sa seule expérience. Il nous brosse aussi et surtout le tableau saisissant des hommes et des femmes qui furent ses compagnons d’armes, mais aussi et surtout du peuple kurde, que certains états s’appliquent à faire passer pour des terroristes, et qui se battent, certes contre la barbarie et pour la liberté, mais surtout en mettant en pratique un idéal révolutionnaire basé sur une démocratie directe, plus surprenante encore en temps de guerre.

S’appuyant sur des photos, le dessin réaliste de Nicolas Ottero renforce l’immersion dans le récit autobiographique d’André Hebert tout en conférant à l’ensemble une bouleversante dimension journalistique. La post face s’avère tout à la fois poignante et révoltante… Et le fait est que l’histoire André Hebert hantera longtemps le lecteur après la lecture de l’album…

Si elle est encore parfois considéré comme un pure divertissement, la bande-dessinée s’avère être un formidable média pour nous raconter le quotidien. Cet album en est l’évidente illustration…

Assisté par Nicolas Ottero au dessin, André Hebert y livre le récit de son parcours, de son militantisme précoce à sa volonté de mettre ses actes en accord avec ses idées… En 2015, il décide de gagner la Syrie et de rejoindre les unités internationales pour combattre Daesh aux côtés des kurdes du Yekîneyên Parastina. Il décrit sans far sa formation, ses premiers combats, ses compagnons d’armes, ces Kurdes qui mettent en pratique leur idéal révolutionnaire et la démocratie directe, son difficile retour à la vie civile, jusqu’à son retour à Raqqa, en 2017… Mais la fin de l’histoire n’est pas encore écrite, comme le montre la révoltante post-face de l’album…

Récit aussi édifiant et bouleversant de sincérité, Jusqu’à Raqqa est le formidable témoignage d’un homme qui a pris les armes pour défendre ses idéaux…

Nou sommes vite gênés par cet accueil triomphal alors que nous ne sommes pas encore allés au front. A ce moment-là, nous comprenons que nous allons devoir mériter ces applaudissements, nous en rendre dignes.André Hebert