Les Nains ont découvert et extrait un ultime gisement d’or, ce qui n’a pas manqué d’attirer une horde de Peaux Vertes qui a lancé un assaut contre les hautes murailles de l’antique forteresse… Tôt ou tard, orcs, trolls et gobelins viendront à bout de leur héroïque défense… Aussi, tout en luttant sur les murailles Runedar pour repousser les vagues ennemies, les Nains percent la montagne pour creuser une galerie dont ils ont le secret et s’échapper avec leur or…
Les joueurs vont devoir coopérer pour retenir les vagues successives de Peaux Vertes tout en creusant le tunnel…
Règles et matériel
Les amateurs d’héroïc-fantasy en général et de l’œuvre de J.R.R. Tolkien en particulier seront sans nuls doute émoustillés tant par la thématique du récit que par l’ingénieux et foisonnant matériel… Ornant la boîte, l’illustration de Andrew Bosley donne d’emblée le ton mais c’est bien la façon si particulière d’utiliser la boîte et le thermoformage qui confèrent au jeu un indéniable attrait : la boîte elle-même sera la forteresse, le cartonnage ses murailles et le thermoformage ses torus et ses créneaux, ses ateliers et sa salle au trésor, sans oublier la galerie que les nains percent sous la montagne… Les différentes ressources (peaux, bois, minerais et or) sont eux aussi de toute beauté et les figurines, certes en carton, s’avèrent, elles aussi, de très belle facture, de même que les cartes joliment illustrées, immergeant les joueurs dans un univers épique…
Le livret de règles (16 pages tout de même) s’avère clair et sa lecture est pour particulièrement fluide… Le quatrième de couv, qui ne propose qu’une simple illustration reprenant celle du dos des cartes Nains, aurait gagné à proposer un résumé des règles qui aurait pu servir de référent pour les premières parties. Mais c’est bien là le seul reproche à faire à ces règles… Un QR code permet par ailleurs d’avoir accès à une vidéo présentant les mécanismes du jeu… Elle est pas belle la vie ?
Contenu de la boîte : une puissante Forteresse, 35 cartes Amélioration (15 niveau 1, 10 niveau 2, 10 niveau 3), 50 cartes de Siège, 2 Gobelins, 10 Orcs, 4 Trolls, 1 Catapulte, 1 Tour de Siège, 5 cartes Catapulte, 5 cartes Mercenaire, et, pour chacun des 4 joueurs : 12 cartes de départ et une silhouette cartonnée Nain
Déroulement d’une partie
Mise en place
Passée la première partie (et l’assemblage des différents éléments à grand renfort de scotch double-fac), la mise en place du jeu s’avère plutôt fluide car dictée par un matériel bien pensé : les ressources sont mises à l’emplacement prévu dans la forteresse, chaque joueur prend son deck de cartes (le mélange, défausse 2 cartes sous sa tuile Personnage et pioche 5 cartes pour constituer sa main).
Déroulement
A son tour de jeu, le joueur doit :
1Activer la Tour de Siège et / ou la Catapulte si elle est dans sa zone de jeu.
2Jouer des cartes Orcs s’il en a en main (entraînant la pioche d’une carte Siège qui aura pour effet soit de mettre en jeu la Catapulte ou la Tour de Siège soit l’arrivée d’un ou plusieurs Orcs du côté de la muraille indiqué par la dite carte et éventuellement la progression de tous les Orcs vers la Salle au Trésor située au cœur de la Forteresse).
3Jouer les cartes Nains de sa main pour se déplacer / utiliser des ressources (à condition de se trouver dans le bon atelier) / Attaquer (au corps à corps ou à distance, en jouant une ou plusieurs cartes pour augmenter le nombre de dés à lancer. L’attaque à distance n’est possible qu’à partir d’une des trois tours de la Forteresse qui permet de cibler les chemins de ronde et les murs extérieurs adjacents à la dite tour) / Creuser (si aucun monstre n’est présent dans le chantier) / Améliorer ses cartes (défausser une carte de sa main et la remplacer par une carte Amélioration complétée)…
S’il achève son tour dans la Salle au Trésor, il peut compléter le plateau amélioration.
A l’issue de son tour le joueur pioche 5 cartes. Si sa pioche est vide, il mélange ses cartes, en défausse 2 qu’il place sous sa tuile et en pioche 5 pour reconstituer sa main.
En défaussant 2 Or, les joueurs peuvent faire appel à l’un des mercenaires disponibles pour leur prêter assistance… La carte Mercenaire utilisée est alors défaussée…
Fin de Partie
La partie s’achève par la victoire des joueurs s’ils parviennent à creuser leur galerie, défaire les derniers Gobelins avant que le Trésor ne soit épuisé.
Ils perdent immédiatement la partie si : un joueur révèle la dernière carte Siège, la dernière carte Catapulte, la dernière tuile Troll, met en jeu le dernier Orc ou perdent leur dernière Pépite d’or…
l’Avis de la Rédaction
Le Docteur Reiner Knizia, professeur de mathématiques et créateur réputé de jeu de société couronné en 2008 par Spiel des Jahres, reprend le concept des jeux vidéo de
Tower defense et le transpose de façon saisissante… Dans ces jeux vidéos, les joueurs s’efforcent de défendre une tour contre des hordes plus ou moins monstrueux mais indéniablement hargneux qui l’attaquent de toute part…
L’
univers d’heroic-fantasy est ici exploité avec finesse et pertinence, de
la mécanique implacable de la horde de Peaux Vertes se lançant à l’assaut des murailles, surgissant de la galerie ou prenant pied dans le chantier grâce à la Tour d’Assaut… Si la partie
commence en douceur grâce à la difficulté croissante imposée par les cartes Siège réparties en 5 niveaux,
les choses s’emballent rapidement et le rythme s’accélèrent alors que la Forteresse est attaquée de toute part. Si les joueurs ne s’organisent pas, ils seront rapidement submergés ! Car, non content de devoir trucider les Orcs qui se rapprochent dangereusement de la Salle au Trésor, il faudra prendre le temps de creuser la galerie à coup de pioche (après s’être débarrassé des gobelins qui en surgissent ou des puissants Trolls qui ne manqueront pas de surgir de la Tour d’Assaut !) tout en prenant le temps de forger de nouvelles armes et artefacts magiques qui viendront augmenter la puissance des joueurs dans
la plus pure tradition du deck building.
Il convient d’ailleurs de s’attarder sur ces
cartes Amélioration. Elles sont réparties en 3 catégories, de la plus anecdotique à la plus puissante, les cartes objets appartenant à cette catégorie nécessitant bien plus de ressources que celles appartenant à la première catégorie. Les joueurs vont tout à tour
participer à leur confection en collectant et en attribuant des ressources à l’un ou l’autres des objets en fonction des priorités qu’ils se fixeront… Chaque carte est associée, de par sa position, à une ressource supplémentaire figurant sur le plateau Amélioration… Cet artifice ludique réduit la part du hasard des traditionnelles « marché de cartes » et constitue un réel enjeu stratégique… Mais gare à la catapulte ! Car lorsqu’elle se met en branle, elle va pulvériser l’une des cartes (et bloquer définitivement l’emplacement), peu importe qu’elle soit achevée ou en cours de fabrication !
L’autre spécificité du jeu est le champ des possibles offerts par les
cartes Nains, véritable couteau suisse vorpal à deux mains… et ce qui est vrai pour le deck de base l’est plus encore pour le deck après améliorations multiples et variées… Car des différentes possibilités offertes par les cartes (déplacement, combat au corps à corps, combat à distance, creuser, utiliser des ressources), une seule pourra être activée à chaque tour ! De
choix cruels et cornéliens rappelant qu’André Gide avait bien raison en affirmant que « choisir, c’est renoncer » ! Les cartes ne sont ainsi plus une simple carte à jouer pour activer son effet puisque le joueur devra choisir l’effet désiré parmi plusieurs !
Comme on pouvait s’en douter, le principal obstacle à la victoire sera
les Peaux Vertes… Car, non content de piller sans vergogne notre précieux trésor, ils empêchent les nains de fabriquer leurs armes en squattant leurs ateliers ! Dès lors, nos vaillant guerriers-mineurs devront les trucider avant de pouvoir travailler à créer de nouvelles armes et artefacts à même de faciliter leur lourde tâche ! Elle est cruelle la vie…
Si les
decks de départ sont identiques, les joueurs vont peu à peu modifier leur deck et, de par les subtils mécanismes d’Amélioration, les joueurs vont bien souvent
se spécialiser dans l’extraction de telle ou telle ressource, dans le percement de galerie, dans le combat au corps à corps ou au contraire à distance afin d’optimiser au mieux ses actions et déplacements…
L’ensemble fonctionne à merveille et sert remarquablement bien la thématique…
On est littéralement
immergé dans l’action par la
mécanique subtile des règles, des nécessaires déplacements aux combats acharnés, en passant par les simples mais diaboliquement efficaces mécanismes de percement de la galerie : une fois épuisés les gravats, un tronçon de la galerie est enlevé, dévoilant deux gobelins qu’il faudra combattre ou acheter à coups de ressources pour replacer les gravats et de s’attaquer au tronçon suivant…
Mais quid du
niveau de difficulté me direz-vous ? Et bien le grand Reiner Knizia a pensé à tout, non pas en modifiant de nombreux paramètres pour rendre le jeu plus ardu ! Non, il lui a suffi de modifier le seul nombre de gravas associés à chaque tronçon de tunnel pour corser la difficulté de façon drastique : 6 gravas, la partie est facile… 12, c’est carrément épique (comme le précise d’ailleurs fort pertinemment les règles) !
Signé par Maître Knizia, The Siege of Runedar est un remarquable jeu coopératif aux ambiances d’heroic-fantasy savamment restituées par des mécanismes épurés mais bougrement efficaces…
Les joueurs incarnent des valeureux nains qui doivent, tout en défendant leur forteresse vieillissante contre des hordes de Peaux Vertes, creuser une galerie infestée de gobelins pour s’enfuir en emportant leur trésor…
En plus d’être modulable, la difficulté est savamment dosée et la mécanique de deckbuilding, et plus particulièrement d’amélioration, s’avère être d’excellente facture tant elle offre des opportunités ludiques saisissantes tout en réduisant la part du hasard du « marché »…
Joliment illustré par Andrew Bosley et superbement édité, The Siege of Runedar est un jeu coopératif incontournable pour les amateurs des univers tolkenniens…
On aime...
le matériel bougrement original et immersif
des mécanismes ingénieux
un mécanisme de deck building fascinant qui réduit la part de hasard
une difficulté modulable et savamment dosée
la tension qui va crescendo
la griffe de Maître Knizia
On n'aime pas...
être submergé par le nombre