Durant un an, Sandra Ndiaye franchit tous les jours les multiples portes sécurisées d’une maison d’arrêt pour gagner son bureau d’où elle organise des ateliers artistiques et culturels pour les prisonniers. Elle nous parle de son parcours et des raisons qui l’on poussé à travailler avec ces hommes privés de liberté est dont la vie est comme en stase, entre les quatre murs de leur prison… Les injustices dont elle fut témoin enfant, la conscience d’être née du bon côté de la mer méditerranée et cette culpabilité lui ont donné envie de s’engager et de trouver un métier qui fait sens…

Avec pudeur, la jeune femme nous fait part de ses états d’âme et de ses questionnements qui l’assaillent, sur l’utilité de sa mission au sein de la prison… Avec finesse, l’autrice dissèque son quotidien au cœur de la maison d’arrêt, montrant combien son rôle était délicat, entre la nécessité de créer un lien pour gagner la confiance des détenus et celle d’instaurer une nécessaire distance. Elle dresse ainsi le portrait saisissant des détenus qu’elle côtoie quotidiennement et dont elle aurait parfois préféré ne pas connaître le passif pour ne pas que cela interfère avec son travail… Leur attitude et leur comportement sont décrits avec finesse, montrant peu à peu que les conditions même de leur incarcération induisent ces comportements que les autorités ont tôt fait de réprimer…

Cette description minutieuse de l’univers carcéral permet à Sandra Ndiaye et Frederic Debomy de s’interroger sur la place et le rôle de la prison au sein de la société qui préfère enfermer les hommes et les femmes sans chercher aucunement à leur permettre de se réinsérer… La prison ne semble être là que pour punir, aucunement pour aider… Et c’est d’autant plus glaçant lorsqu’on sait que seul un très faible pourcentage des personnes incarcérées en France le sont pour crime… La démonstration est implacable et donne furieusement envie de lire davantage sur le sujet pour ne pas se limiter à l’écume des choses galvaudées par les médias et les partis conservateurs…

Sobre et réaliste, le dessin de Benjamin Ades soutien avec force le propos des auteurs, faisant ressortir l’humanité des personnages et la complexité des liens reliant les personnes évoluant dans cet univers confiné…

Co-sénariste de l’album, Sandra Ndiaye et Frederic Debomy nous entraîne dans le quotidien qui fut celui de la scénariste durant l’année qu’elle passa à travailler au sein d’une prison pour proposer aux personnes privées de liberté des ateliers artistiques.

En disséquant son quotidien, elle brosse tant le portrait des prisonniers dont elle a croisé la route que celui de l’administration pénitentiaire et de la société qui parque en prison les personnes qui représentent selon elle un danger, sans chercher à les aider à se réinsérer…

A l’arrêt est un récit poignant et plein d’humanité qui nous parle de ces vies à l’arrêt, déjà fracassée et trop souvent broyées par un système carcéral qui ne cherche qu’à punir et non à aider…

N’aurai-je pas la haine, moi aussi, si j’étais enfermée ? L’injustice, on la vit au quotidien. On a beau faire des efforts, se tenir bien, être respectueux du personnel et assidu aux cours, on n’est pas à l’abris.Sandra Ndiaye