Paris, 1871. La capitale est à feu et à sang depuis, alors qu’érigée en Commune, les parisiens refusent de reconnaître le gouvernement de Thiers.

Ces évènements et le rêve de liberté, d’égalité, de fraternité et de solidarité porté par les communards provoquent de grande tension au sein de la Franc-Maçonnerie. Une partie des Frères pense qu’ils doivent prendre leur part dans ce combat alors que d’autres, légalistes, jugent que la Maçonnerie se perdra si elle prend les armes contre les versaillais.

Sylvain ne partage pas cette vision frileuse et voit dans le combat qui s’annonce l’occasion de défendre l’idéal maçonnique en transformant la société en profondeur. Il va s’engager corps et âme et monter sur les barricades alors même que sa femme, Albertine, s’apprête à donner la vie à leur premier enfant…

Alors que son mari a été grièvement blessé, Albertine va faire la connaissance de Louise Michel, femme de lettre et de conviction…

Au fil des tomes, les auteurs continuent de nous conter l’histoire de la Franc-Maçonnerie, de sa création mythique par Himran jusqu’à nos jours, traversant l’Histoire des hommes et participant aux grands évènements à travers le destin romanesque de personnages fictifs qui évoluent en marge de la Grande Histoire…

Scénarisé par Pierre Boisserie et mis en image par le trait délicat de Vincent Wagner, ce nouvel opus nous entraîne dans le Paris de la Commune, période fascinante où furent votées des lois sociales qui mirent longtemps à revenir sur le devant de la scène après la fin de la Commune : le suffrage universel, la séparation de l’Eglise et de l’Etat, éducation laïque, gratuite et obligatoire, interdiction du travail des enfants, mariage libre, liberté de la presse ou le fait que les élus sont responsables devant le peuple et peuvent être, par lui, révoqués… Bien sûr, tous les parisiens ne furent pas communards et bien des exactions furent commises de part et d’autre des barricades… Mais en l’espace de quelques semaines, la Commune a jeté les bases d’une société idéale et humaniste qu’on a tôt fait d’oublier…

Pacifiste par essence, la Franc-Maçonnerie aurait pu rester neutre, tout en défendant les idées de la Commune. Mais certains jugèrent bon de prendre les armes et de lutter pour que cette société à laquelle ils aspiraient puisse advenir… Parmi eux, d’éminant Frères, tels Félix Pyat ou Jules Vallès, mais aussi des anonymes, tel le fictif jeune et exalté Sylvain qui dont l’album nous apprend qu’il faillit perdre la vie sur les barricades pour défendre sa bannière maçonnique… Mais si des Francs-Maçons prirent les armes pour combattre aux côté des fédérés, d’autres avaient embrassé la cause versaillaise, tel Jules Simon qui fut ministre du gouvernement de Thiers. Loges avancées et loges légalistes défendirent ainsi des vues opposées, causant des dissentions internes… Les discussions entourant la recherche de compromis sont joliment retranscrites, mettant bien en lumière les enjeux de leurs choix, avec en filigrane la possibilité pour les femmes d’entrer dans la Franc-Maçonnerie… Se trouvant dans les deux camps, la Franc-Maçonnerie a tenté de jouer son rôle de conciliateur… Sans succès hélas, comme on le sait…

Le récit de Pierre Boisserie se déroule sur plusieurs époques qui s’alternent pour rythmer l’album : on retrouve d’un côté Albertine exilée avec d’autres communards sur la presqu’île de Duclos et qui va jouer son rôle dans l'Évasion de Rochefort, immortalisée par Édouard Manet peu avant sa mort… de l’autre, Sylvain, maçon qui va prendre fait et cause pour la Commune et manquer de périr pour son idéal…

Le travail graphique de Vincent Wagner nous immerge dans cette époque tumultueuse, dépeignant avec art le Paris insurgé de l’époque comme l’île de Duclos où fut bannie Louise Michel qui se trouve être l’une des protagonistes du récit… Signé Jean-Laurent Turbet, le dossier historique complétant l’album est comme de coutume passionnant…

Ce nouvelle opus de cette série captivante nous entraîne dans le Paris de la Commune, alors que les Francs-Maçons sont divisés sur la marche à suivre : doivent-ils conserver leur neutralité ou prendre part aux combats pour défendre les idées progressistes des insurgés et changer la société en profondeur ?

Pierre Boisserie signe une fois encore un scénario romanesque se déroulant en marge de la Grande Histoire et mettant en scène un Frère ayant décidé de prendre les armes et sa compagne qui fut déportée au Bagne Duclos en compagnie de Louise Michel avant de prendre part à l'Évasion de Rochefort… Rehaussé par les couleurs de Angélique Césano qui assure une certaine continuité à la série, le dessin convainquant de Vincent Wagner immerge le lecteur tant dans le Paris insurgé que dans le Bagne qui servent de décor à l’histoire…

[…]Il est de notre devoir d’aller planter nos bannières sur les barricades. Nous sommes des gens de fraternité. Nous avons l’obligation de couvrir le bon droit de la commune de notre force morale pour aller chercher la conciliation avant tout. Mais si cette conciliation n’est pas possible et que pour Versailles, seul le sang versé peut régler ce conflit, nous n’aurons d’autres choix que de nous y engager.Sylvain