San Francisco, 1906. Un monstrueux tremblement de terre vient de dévaster la ville qui n’est plus qu’un champ de ruines. Jenny a perdu sa maman sous les décombres… Totalement désemparé et bien capable de s’en occuper, son beau-père décide de l’envoyer chez ses parents.

L’envoyer… tel est le bien mot… Car, profitant d’une faille hallucinante dans le règlement des postes, il va expédier Jenny comme on expédie un colis à l’autre bout du pays. C’est Enyeto, facteur amérindien, qui va la prendre en charge, subissant sa colère et ses remontrances mais fermement décidé à ce qu’elle arrive à destination, à Chicago dans l’Illinois…

Commence alors un formidable road-movie ou l’indien et la gamine vont apprendre à se connaître et à s’apprivoiser, bien loin de se douter de ce qui les attend à l’arrivée…

Aussi improbable que cela puisse paraître, l’hallucinante idée de pouvoir expédier des enfants par la poste s’appuie bel et bien sur une faille du règlement de la poste qui a été exploitée et non sans raison ! Expédier un enfant en tant que colis coûtait, comme aujourd’hui, bien moins cher que lui payer un billet de train !

Le contexte choisit par Bertrand Galic pour amorcer son récit l’ancre d’emblée du côté du drame, avec la mort de la mère de Jenny dans le terrible tremblement de Terre qui ravagea la côte ouest et fut suivi, dans la prospère San Francisco, d’un gigantesque incendie à l’issu duquel plus de 80 % de la ville fut détruit…

Lorsque commence leur improbable odyssée, on ne peut pas dire qu’Enyeto et Jenny sont ravis d’entamer ce long périple qui s’annonce… Le premier, un géant amérindien plutôt bourru va prendre en charge le paquet, comme le règlement l’y oblige, et la seconde va lui faire clairement comprendre qu’elle ne souhaite pas s’éloigner de San Francisco où elle a été si heureuse avec sa maman… Au fil de cette route semée d’embûches, Enyeto va se dévoiler et faire montre de générosité et de sa détermination, s’affichant comme un soutien sans faille de la gamine qui va, de son côté, s’adoucir au fil du voyage alors que nait entre elle et l’indien une confondante complicité… Eux qui étaient si opposés et si différents se retrouvent à cheminer main dans la main…

A travers cette improbable rencontre, le scénariste du bouleversant Fukushima - Chronique d'un accident sans fin ou de sa formidable et somptueuse adaptation des Voyages de Gulliver ou de l’édifiante histoire de Violette Morris (pour ne citer qu’eux !) nous brosse un tableau saisissant d’une Amérique en pleine mutation, écartelée entre l’âge d’or des cowboys et les temps modernes… Et le voyage de la côte Ouest vers la côte Est ressemble à une projection métaphorique de ce crépuscule du western et de cette lente marche vers la modernité… Même si dans ce monde d’après, les crotales continueront de faire leur nid…

Après leur incroyable récit de la catastrophe nucléaire qui a frappé le Japon, Bertrand Galic retrouve donc Roger Vidale qui met en scène ce captivant western… Assisté à la couleur par Christina G., le dessinateur compose des planches magnifiques qui donnent à voir les grands espaces, tout à la fois sublimes et sauvages traversés par Jenny et Enyeto… Son dessin semi-réaliste évoque par moment le travail de Philippe Berthet tant par ses compositions que par l’élégance de son encrage. Mais c’est surtout sa façon de mettre en scène les deux principaux protagonistes de l’histoire qui confère toute sa force au récit… Certes, le recours au style manga pour animer Jenny pourra surprendre mais il permet à l’artiste de souligner sa jeunesse et de retranscrire avec une plus grand palette ses différentes émotions et la complicité entre la petite fille et le postman qui va grandissante au fil des pages… Mais avant de s’intéresser à ce récit, c’est bien la somptueuse et flamboyante couverture qui attire l’œil par son envoûtante composition et ses couleurs inquiétantes… L’une des plus belle de cette rentrée littéraire, assurément…

La petite fille et le postman nous entraîne dans une Amérique en pleine mutation à la suite d’une gamine attachante et d’un postier bourru mais attentionné…

Alors que sa mère vient de mourir dans le terrible séisme de 1906 qui a ravagé San Francisco, le beau-père de Jenny, incapable de s’occuper d’elle, décide de l’envoyer à Chicago, chez ses propres parents. Mais plutôt que de l’y envoyer en train, il profite d’une faille dans le règlement de la poste pour confier sa gamine à un postman comme on confie un colis… Commence alors une odyssée captivante où ces deux personnages que tout oppose apprendront à se connaître au fil des épreuves qu’ils auront à traverser…

Superbement mis en image et en couleur par Roger Vidal, ce western crépusculaire de Bertrand Galic retranscrit ce changement d’époque de façon particulièrement touchante avec ce voyage métaphorique de la côte Ouest vers la côte Est et les regards croisés de deux personnes que tout sembler opposer…

- Mais ma parole, vous êtes complétement malades ! Je n’ai jamais rien entendu de plus absurde ! Qu’est-ce que c’est que cette histoire ??
- Je vous assure que tout est parfaitement en règle. Le dénommé Alan Bridge a payé en timbres la somme de 3 dollars pour le transport de son « colis » jusqu’à Chicago. Il a même pris l’assurance. Tout est dans ce document : jetez-y un œil au lieu de crier comme un putois.dialogue entre Enyeto et un guichetier