Juillet 1967. Bruno Cocatrix est au Caire pour y dénicher des artistes étrangers pour remplacer ses vedettes qui partent en villégiature durant l’été… On lui parle d’Oum Kalsoum, surnommée « la Perle du Nil », une artiste exigeante à la voix bouleversante et Cocatrix brûle de la rencontrer… Grâce à l’appuis des autorités égyptiennes, cette proche de Nasser accepte de venir chanter deux soirs à l’Olympia pour un salaire mirobolant dont on sera plus tard qu’elle le reversera à l’Egypte…

Mais la guerre des six jours éclate et hypothèque la venue de la diva égyptienne… Devant les sommes déjà engagées pour la réservation de la suite au Georges V, Bruno Cocatrix sait qu’il joue son avenir et celui de son Olympia… Comble de malchance, le contrat n’est toujours pas signé et le public ne se bouscule pas au portillon, tant à cause des prix des billets que parce qu’il semblait totalement improbable qu’une telle artiste se produise en France !

Pourtant, le concert aura bel et bien lieu et fera salle comble les 13 et 15 novembre 1967 ! Il se murmure que pour servir la politique étrangère de la France, le Grand Charles aurait œuvré pour que celle que l’on surnommait « l’Arme secrète de Nasser » puisse se produire à l’Olympia…

Martine Lagardette et Farid Boudjellal nous entraîne dans les coulisses d’un concert mythique qui eut une portée tant artistique, puisque c’était la première fois que la diva se produisait dans un pays occidental, que politique et diplomatique, le concert se déroulant quelques mois après la guerre des six jours qui marqua profondément et durablement l’époque, tandis que la France poursuivait sa politique de non alignement… Ce concert scella, d’une certaine manière, la réconciliation entre la France et l’Egypte dont les relations étaient plus que tendus depuis l’affaire du Canal de Suez en juillet 1956.

Mais si la venue en France d’Oum Kalsoum, proche de Nasser, sert de fil rouge à cet album à la pagination généreuse, les auteurs nous esquissent surtout le portrait d’une époque en nous entraînant dans le sillage de Bruno Cocatrix pour découvrir les coulisses de l’Olympia où se produisirent tant d’artistes français et internationaux. On y croise de nombreux artistes, à commencer par Dalida et Claude François dont l’enthousiasme de pouvoir voire la chanteuse sur scène est retranscrit avec force et sensibilité… Truffé d’anecdotes fascinantes, l’album s’avère réellement passionnant et esquisse, en creux, le portrait d’un homme qui a lancé bien des carrières et fait de l’Olympia une salle de spectacle incontournable du Paris de l’époque…

Si la couverture s’avère élégante et plutôt classieuse, le dessin pourra heurter certains lecteurs. Pour composer ses planches, l’auteur s’est appuyé sur des photographie et certaines vignettes semblent n’avoir été qu’à peine retouché. Mais, aussi étrange soit-il, ce parti pris graphique confère à l’album une dimension de reportage, comme si un journaliste et son photographe avait suivi Bruno Cocatrix pour faire nous faire entrer dans les coulisses de ce concert appelé à devenir mythique et qui déchaîna les passions…

Oum Kalsoum - L'arme secrète de Nasser nous entraîne au cœur des années 60 pour un récit aussi édifiant que passionnant qui nous raconte la venue de Oum Kalsoum, diva égyptienne, dans le temple de la pop musique : l’Olympia de Bruno Cocatrix.

Tout en nous entraînant dans les coulisses de ce retentissant évènement, Martine Lagardette et Farid Boudjellal nous esquissent un tableau saisissant de la politique et de la diplomatie internationale de l’époque car, à quelques mois de la Guerre des Six jours, la venue de la « Perle du Nil », grande amie de Nasser, dépassait et de loin le seul domaine artistique et musicale…

S’appuyant peut-être trop sur des photographies, le dessin pourra surprendre les amateurs du neuvième art mais une fois lancé dans l’histoire, on se rend compte que ce parti pris graphique confère à l’album une dimension journalistique qui en accentue son propos… Portrait d’une artiste hors norme qui déchaîna les passions et dont vous pourrez découvrir la voix bouleversante sur la toile, ce roman graphique est aussi celui d’une époque que les moins de soixante ans ne peuvent pas connaître…