    Fidèle à lui-même, Myth s’est encore fourré dans un sacré merdier… Alors qu’il venait de voler avec une audace indéniable la couronne que convoitait le puissant Kronan et après avoir signé son larcin d’un bronze malodorant, la peau-verte s’est retrouvé traqué puis rattrapé par la garde d’honneur d’Assanide qui se serait fait une joie de l’étriper si le seigneur Orc n’était pas venu récupérer son dû… Apprenant qu’il avait laissé tomber le trésor dans un gouffre sans fond, Kronan était prêt à l’envoyer l’y rejoindre… Mais, quand il s’agit de sauver ses miches, le Gobelin sait être convaincant… D’autant que ce qu’il avait appris chez les Hums valait bien une couronne : bien qu’ennemis héréditaires, les tribus humaines s’apprêtaient à s’allier pour entrer en guerre contre les peaux-vertes…
Jusque-là préservé de la guerre qui gronde, les elfes bleus de Port-Vogue sont assiégés par l’immense flotte de navires yrlanais tandis que leurs cousins de la forêt de Torunn subissent les assauts meurtriers d’une légion d’Hums accompagnés de puissants Golem, obligeant les Sylvains de la Reine Ora à abandonner peu à peu leur territoire tandis que les esclaves Orcs détruisent peu à peu leur sanctuaire…
Séparément, chacun ne semble pas de taille à lutter contre les puissantes armées Hums… Mais les anciennes races parviendront-elles à mettre leurs différents de côté pour lutter, ensemble, contre ceux qui menacent leur existence même…
Conteur émérite des Terres d’Arran, Nicolas Jarry poursuit le récit de cette époque troublée qui voit le peuple des Hums se dresser contre les anciennes races, commencer à les éradiquer pour asseoir durablement leur domination…
 Ce récit choral met en scène plusieurs figures bien connues des arpenteurs des mondes d’Aquilon, de Myth, voleur fort en gueule au verbe mordant et fleuri qui est le jubilatoire narrateur des évènements, en passant par Kronan qui fut tour à tour voleur, assassin, tueur et roi et Orouna, sa somptueuse maîtresse dont la beauté trouble tant Myth, lui faisant prendre des risques inconsidérés… sans oublier Ora, elfe élevée par les Orcs devenu Reine de son peuple, Shannon, puissante mage élémentaliste, ou encore Athé’non qui, malgré la tempête qui s’annonce, n’est pas encore décidé à sortir de sa torpeur… Rythmé par chacune de leurs histoires qui vont comme il se doit se télescoper, l’album s’avère particulièrement entraînant, le passage de l’un à l’autre de ces protagonistes retranscrivant la prise de conscience des elfes et des peaux-vertes qui comprennent peu à peu la nécessité de s’unir contre cet ennemi trop puissant pour être combattu seul… Cette narration croisée introduit ce délicieux sentiment de frustration qui induit un redoutable page-turner qui fait qu’il est bien difficile de reposer l’album avant de l’avoir achevé… Mais, là encore, il est bien difficile de devoir attendre pour poursuivre cet implacable récit qui voit la résistance s’organiser peu à peu contre l’oppresseur…
Si le récit s’avère captivant et si le dessin s’appuie sur un storyboard du talentueux Kyo Duarte qui n’a pas son pareil pour trouver des cadrages percutants, le dessin est, malgré ses qualités, un brin en deçà des précédents tomes de la série. Malgré quelques cases somptueuses, le trait n’est pas encore aussi puissant et incisif que celui d’autres artistes ayant œuvré dans les Terres d’Orron et cela atténue un peu l’efficacité du récit, avec l’étrange impression que les couleurs de J. Nanjan ne semblent pas avoir la même profondeur et les mêmes nuances que celles auxquelles il nous avait habitué… L’ensemble paraît un peu froid, trop numérique peut-être, atténuant l’aspect éminemment épique de cet album pourtant riche en escarmouche et en combats…
 La guerre embrase les Terres d’Arran. Les rois Hums ont mis de côté leurs rivalités passées et s’unissent pour éradiquer les anciennes races pour s’affranchir de leur tutelle et asseoir leur domination. Tandis que Redwin s’est replié dans l’antique forteresse de Dal'Darum, Kronan tente d’échapper aux poursuivants qui le traquent, la Reine Ora s’efforce de protéger la forêt de de Torunn tandis que Port-Vogue est rattrapé par le spectre de la guerre… L’histoire d’Arran continue de s’écrire en lettres de sang…
Porté par un scénario rythmé et entraînant dont le cynique et provocateur Myth se fait le narrateur, le récit choral de Nicolas Jarry voit plusieurs armées converger vers Dal'Darum où pourrait se jouer le destin d’un monde. S’il reste graphiquement en deçà des autres albums de séries des Mondes d’Aquilon, le dessin d’Alina Yerofieieva, s’appuyant sur un storyboard de Kyo Duarte, n’en reste pas moins efficace et fait avancer cette fresque guerrière alors que se profile d’une des plus grandes batailles qu’aura connu les Terres d’Arran, de celle dont les survivants pourront dire, la voix vibrante d’émotion « j’y étais »…
Porté par des personnages charismatiques, l’univers mouvant et tentaculaire amorcé par Jean-Luc Istin n’en finit plus de s’enrichir, formant un tout cohérent et vertigineux qui continue de nous envoûter…
- Je suis Kronan, seigneur du désert et vous êtes sur mes terres
- De quel droit un animal peut-il posséder une terre ?
- Du droit du plus fort l’homme ! Massacrez-lesdialogue entre le seigneur Kronan et un guerrier d’Assanide
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