Six années après la perte de leurs fils dans un tragique accident, Sara, artiste peintre, et Huub, architecte, espèrent retrouver goût à la vie en déménageant dans une veille maison de famille isolée au cœur du bois de Veluwe.

Juste avant leur arrivée, une violente tempête souffle sur la région, abatant un vieil hêtre centenaire aux abords d’une petite mare entourées d’hêtres vénérables dont l’écorce a été marquée par d’étranges glyphes…

Huub espère que ce havre de paix permettra à son épouse de retrouver le goût à la création artistique… Sans le dire à son mari, elle abandonne son traitement psycho-médical alors que la découverte de vieux carnets de croquis accompagnés de textes écrits dans une langue sibylline appartenant au défunt grand -oncle de son mari va littéralement la fasciner…

J’avoue avoir été fasciné par Dans les pins, illustrant de glaçantes murder ballads, ou le fascinant Exilé qui nous entraînait dans l’Islande du Xe siècle à la suite d’Hallstein, un guerrier viking revenu d’exil, tous deux écrits et dessinés par le talentueux Erik Kriek, auteur néerlandais au talent saisissant…

C’est d’abord le formidable travail graphique de l’artiste qui nous envoûte et nous immerge dans un thriller horrifique inquiétant dont il reprend les codes du genre avec brio… Dès les premières planches, il dépeint une nature aussi sublime qu’inquiétantes qui distille d’emblée un malaise diffus qui va aller grandissant, alors que l’histoire monte en puissance et que Sara glisse irrémédiablement vers la folie… Le découpage est tout juste parfait, avec des angles savamment étudiés pour accentuer la tension et nous faire cheminer, avec Sara, sur les sentiers de la Folie qui tous mènent, irrémédiablement, jusqu’à la mare… Les teintes choisies pour mettre en couleur son récit s’avèrent tout juste fascinantes tandis que les songes cauchemardesques de Sara immergent par petite touche le lecteur dans l’horreur… Erik Kriek se livre à un exercice de style impressionnant de maîtrise tandis que son dessin semble doté d’une certaine musicalité qui vient renforcer l’ambiance oppressante distillée par ses compositions…

Avec la Mare, l’auteur nous entraîne dans un huis clos glaçant où une femme va peu à peu perdre pied et sombrer dans la folie… A moins qu’un esprit ne hante ces lieux reculés et qu’une barrière jadis érigée pour le tenir à distance ait été jetée à bas par une violente tempête… Erik Kriek nous immerge avec finesse dans le quotidien d’un couple lacéré par la vie et la perte de leur enfant… Par petite touche, à travers des regards, des paroles et des non-dits, il nous esquisse les portraits bouleversant de justesse d’un couple ayant traversé l’une des pires épreuves de la vie… Lui semble avoir fait son deuil. Il cherche à tourner la page, s’investit dans son travail et dans la rénovation de la maison et de ses dépendances et à pousser sa compagne à aller, elle aussi, de l’avant… Mais, malgré les années écoulées, on la sent toujours fragile. Rongée par la culpabilité, elle n’a toujours pas fait le deuil de son enfant… Et, alors que son époux semble renouer avec la vie, elle s’enfonce, inexorablement, sans que sans mari n’en prenne vraiment conscience… Mais comment porter le deuil d’un enfant sans perdre la raison ?

Le récit s’avère dans une veine très classique dans son aspect horrifique et c’est ce qui fait et son charme ténébreux… Mais le scénario d’Erik Kriek est d’autant plus poignant qu’il est porté par deux personnages profondément et tragiquement humain, avec l’ombre de ce fils défunt qui plane sur histoire. En jouant avec les clichés avec le talent narratif et graphique qui est le sien, Erik Kriek signe une histoire fascinante et redoutablement efficace qui vous happera dès les premières pages pour ne vous lâcher, ébranlé et haletant, qu’à la toute dernière planche… Le subtil mélange de thriller psychologique et d’horreur fantastique fonctionne à merveille, formant un tout aussi cohérent que glaçant…

Porté par son dessin puissant et une narration impeccable, chaque nouvel album d’Erik Kriek est une œuvre somptueuse et saisissante… Avec La Mare, l’auteur néerlandais signe un thriller intimiste et horrifique glaçant porté par un couple qui tente de se reconstruire malgré l’indicible douleur d’avoir perdu un enfant…

Lorsqu’il hérite de son grand-oncle d’une maison isolée au cœur du bois de Veluwe, Huub espère que lui et sa compagne pourront tourner la page et renouer avec la vie… Mais s’il s’investit dans son travail et dans la rénovation de la maison et de ses dépendances, elle ne semble pas parvenir à reprendre pied… Lorsqu’elle trouve dans le grenier des carnets rédigés dans une langue sibylline accompagné d’étranges croquis évoquant les gravures trouvées sur les arbres bornant une marre située sur leur domaine, ceux-ci vont exercer une étrange fascination sur Sara tandis que d’étranges évènements vont se dérouler aux abords de chez eux…

Usant avec art des codes du genre qu’il sublime grâce à un découpage et des cadrages fascinants, l’auteur installe par petite touche une atmosphère délicieusement oppressante… Après avoir dépeint avec justesse ce couple meurtri par la vie, l’auteur fait peu à peu glisser son récit vers le fantastique pour un final oppressant à souhait… L’auteur de Dans les Pins et de l’Exilé fait une nouvelle fois montre du talent saisissant de cet auteur néerlandais dont on ne peut qu’attendre le prochain album avec impatience…

- Ces hêtres sont magnifiques ! Ils doivent être très anciens. Ce bois est immense ! Il est vraiment entièrement à nous ?
- Oui, bien que je ne sache pas exactement jusqu’où va le domaine.
- Huub ! Il faut que tu voies ça !
- Il y en a ici aussi… Ah, on dirait un graffiti tout droit sorti de « Blair Witch Project » !dialogue entre Sara et Huub