Martino vint au monde tandis que deux sorcières étaient brûlées vives sur la place du village… En ces temps comme en d’autres, on n’aimait pas ceux qui étaient différents ou vivaient en marge de la société… L’arrivée de ce nouveau-né aurait dû être une joie pour sa famille… Mais s’il semblait robuste et en bonne santé, il avait la peau laiteuse et les cheveux blancs… La mère convainquit son époux de le garder…
Mais les villageois l’ont vite accusé de tous les maux. Que le froid fasse geler les champs, qu’un renard attaque par trois fois un poulailler ou qu’une vache ne donne plus de lait, Martino était le coupable désigné… Et il souffrit de ce rejet et des brimades que lui faisaient subir les enfants du village lorsqu’il avait la malchance de les croiser dans les bois où il aimait à passer ses journées…
Un jour, sa route croisa celle de Viviana, une femme prévenante qui vivait recluse, au cœur de la forêt… une sorcière comme on se plaisait à la nommer… Elle accepta Martino, reconnaissant sans doute en lui le paria qu’elle était… Dès qu’il en avait l’occasion, Martino venait la retrouver. Elle connaissait les plantes et les simples et apprit à Martino à les reconnaître… Entre eux allait naître une douce et belle amitié…
Et lorsque son père lui apprit qu’il allait se débarrasser de lui en le confiant à une caravane en partance pour le sud, Martino s’enfui pour se réfugier chez Viviane qui l’accepta sans plus lui poser de questions…
La couverture de l’album accroche d’emblée l’œil du chaland : une illustration somptueuse rehaussé par une superbe maquette, des dorures du plus bel effet et un vernis sélectif bougrement efficace… Le regard seul de Rebis trouble dès qu’on le croise par la douceur qui en émane, tandis que la femme au second plan semble porter en elle toute la tristesse du monde…
Porté par des cadrages audacieux et envoûtants et un découpage tout à la fois efficace et moderne, le trait élégant et plein de délicatesse de Carlotta Dicataldo met en scène des personnages particulièrement émouvants et attendrissant, à commencer par Martino qui finira par choisir de s’appeler Rebis, sans doute en référence au rebis alchimique symbolisant l’hermaphrodisme du personnage…
Comment ne pas être bouleversé par ce que dégage ce personnage, par sa formidable capacité à s’émerveiller devant la beauté du monde alors qu’il subit les brimades quotidiennes des villageois avant d’être rejeté par ses propres parents… Le regard de chacun des personnages s’avère bouleversant de justesse, renforçant avec art la dramaturgie savamment étudiée de l’histoire… La force des liens unissant les différents protagonistes passe moins par les mots que par le dessin qui parvient à retranscrire les émotions de Viviane et de Rebis, la complicité naissante entre ces deux belles âmes, rejetées par leurs pairs tandis que les couleurs délicates de l’artiste et son formidable travail sur la lumière qu’elle sculpte avec maestria, subliment les décors et exacerbent les sentiments et les émotions…
Signé par Irene Marchesini, le scénario s’avère subtil, délicat et délicieusement épuré… Le récit médiéval prend semble se parer des atours d’un conte mais la thématique se veut bien plus universelle que cela. Gangrénée par les croyances et les préjugés et dominée par la religion le monde de Rebis n’est, au final, pas si différente du nôtre alors que les actes racistes, antisémites ou homophobes semblent se multiplier et que les médias relayent sans vergogne les idées extrémistes, distillant la haine et la peur de cet autre qu’on accuse de tous les maux et qu’on rend responsable de tous les disfonctionnements de notre société… A travers cette histoire simple mais bouleversante, les autrices parviennent à souligner l’importance des liens entre les êtres, la force que nous donne le sentiment d’être accepté par les autres, tels que nous sommes et, mieux même, pour ce que nous sommes…
Superbement édité, Rebis nous entraîne dans ces temps obscurs du moyen-âge où le seul fait d’être différent de la norme imposée par l’Eglise pouvait vous conduire sur le bûcher…
Il s’en fallut de peu pour que Martino soit rejeté par ses parents le jour de sa naissance à cause de sa peau laiteuse et les cheveux blanc… Enfant sensiblement différent des autres, il aurait pu avoir une enfance heureuse s’il n’était désigné par les villageois comme la cause de tous les malheurs du monde… Heureusement pour lui, sa route va croiser celle de Vivianne, une jeune femme vivant seule au cœur de la forêt dont elle connaît tous les secrets et les mystères…
Porté par le trait somptueux et les somptueuses couleurs de Carlotta Dicataldo qui retranscrivent avec justesse les sentiments des différents personnages, le scénario élégant et épuré d’Irene Marchesini est une ode poignante à l’acceptation de soi et de la différence… Une petite merveille d’émotions et de sensibilités à lire… et à faire lire…
Rebis, je ne peux pas réparer ce que tu crois avoir brisé. Et je ne peux pas non plus souffrir à ta place. Mais je suis là pour toi. Pour t'aider.dialogue entre