Un petit village, au cœur des Pyrénées, au milieu du XIXe siècle. Mara est une vieille dame qui vit seule dans une masure isolée. Elle travaille comme guérisseuse, concoctant des préparations et des remèdes pour des villageois qui la méprise, n’acceptant pas ses choix de vie… Car dans la société patriarchale de l’époque, une femme vivant seule et libre de la tutelle d’un époux, était nécessairement suspecte…

Un jour, alors qu’elle coupait du bois, Mara trouve le corps inanimé d’une jeune femme qu’elle décide de soigner… Aux abois, elle semble terrifiée à l’idée qu’on puisse la retrouver… Mais, muette, elle ne peut s’expliquer sur son passé qu’on devine néanmoins douloureux… Mara semble vouloir lui apprendre les secrets de la montagne et son métier de guérisseuse, sans doute pour qu’elle lui succède, un jour…

Pour les villageois, la jeune femme est la nièce de Mara, vnue de la ville pour passer quelques jours à la campagne. Mais la belle jeune femme n’est, pas plus que Mara, la bienvenue au village. Sa beauté suscite la jalousie des femmes et attise la convoitise des hommes… De plus son arrivée au village coïncide avec l’apparition de la rage dans la région, qui contamine hommes et bêtes et fait basculer la bourgade dans l’angoisse et la peur…

Le talentueux Jaime Martín, auteur des bouleversants récits autobiographiques Jamais je n'aurai 20 ans et Nous aurons toujours 20 ans, nous entraîne dans un coin reculé des Pyrénées pour y découvrir un vieille dame au crépuscule de sa vie que les villageois méprisent mais appellent quand ils ont besoin de ses soins et de sa connaissance des simples.

C’est d’abord le dessin qui nous fascine et nous envoûte et ce dès la somptueuses couverture dont la composition et les couleurs étranges et fascinantes accrochent l’œil par l’ambiance oppressante qu’elle distille, avec cette jeune femme rousse qui semble poursuive par des hommes à la lueur vacillante des flambeaux… Porté par l’encrage singulier de Jaime Martín et sa mise en couleur singulière, les planches de l’album sont elles aussi de toute beauté, dépeignant une nature sublime, sauvage et hostile… La construction des planches s’avère tout aussi remarquable, distillant art une atmosphère délicieusement irréelle, à la limite du fantastique dans la scène introductive… Une atmosphère qui s’estompera rapidement pour laisser place à la vie âpre et rugueuse de Mara, personnage central du récit dont l’épaisseur et la consistance confèrent tout son charme au récit. On devine chez elle des blessures anciennes qui ne sont jamais vraiment refermées et qui nous seront dévoilées au fil de l’histoire, rendant ce personnage plus bouleversant encore…

Son quotidien est décrit avec méticulosité, de ces itinéraires lui permettant de collecter les plantes qui serviront à concocter ses remèdes et décoctions qu’elle vendra, aux réactions souvent hostiles des villageois, et plus particulièrement des enfants, reflet déformé et amplifié de leurs parents… La puissance de l’histoire réside dans les liens si joliment retranscrits que tisse Mara avec les autres protagonistes de ce drame rural… Ses rapports avec la jeune Sol qui, fascinée par la liberté de Mara, rêve de devenir trémentinaires, en passant par l’affection réciproque que se vouent Mara et cette jeune femme qu’elle sait recherchée, la convoitise du berger qui souhaite racheter sa masure ou l’opprobre dont elle est victime de la part des villageois… Tout cela est ainsi retranscrit avec subtilité et délicatesse et l’humanité de chacun des personnages, sombre ou lumineuse, nous fait songer tant à l’œuvre de Servais qu’au fascinant Silence de Comès alors que le fantastique s’invite plusieurs fois dans le récit, venant bouleverser un récit pourtant ancré dans la réalité et faisant perdre ses repère au lecteur, avec une dernière séquence délicieusement troublante qui fait écho à la séquence d’ouverture…

Mais, à travers ce récit tragique subtilement teinté de fantastique, Jaime Martín nous esquisse un portrait saisissant de l’Espagne rurale du XIXe siècle, bousculée par la modernité, de ces femmes refusant le mariage et l’enfantement aux écoles laïques qui jettent un « manteau noir » sur les valeurs chrétienne…

Signé par le talentueux Jaime Martín, un sombre manteau entraîne le lecteur dans les Pyrénées espagnoles du XIXe siècle…

Mara est une vieille femme qui vit à l’écart du village dans une masure isolée. Trémentinaires, elle arpente la montagne pour collecter les plantes servants à la préparation de pommades et autres onguents qui soigneront des villageois qui la méprise pour ce qu’elle est… Un jour, elle va recueillir chez elle une jeune femme rousse malade et fiévreuse dont elle apprendra qu’elle est recherchée… Une réelle complicité va naître entre ces deux femmes alors que la rage va s’inviter dans la région et venir bouleverser le quotidien des villageois…

Porté par des compositions saisissantes, un encrage singulier et une colorisation fascinante, ce nouveau récit de l’auteur espagnol à qui l’on doit notamment les saisissants Jamais je n'aurai 20 ans et Nous aurons toujours 20 ans, s’avère tragiquement bouleversant, construit autour de personnages en clairs-obscurs hantés par leur douloureux passé et vivant dans un monde en pleine mutation… Un récit rural teinté de fantastique qui évoque tant l’œuvre de Servais que le bouleversant Silence de Comès…

Ecoute, petite, tu dois vaincre ton angoisse avant qu’elle te s’installe en toi et te ronge. Parfois, je suis incapable d’arrêter les pensées qui déferlent dans ma tête… Ahh… Et je sens que j’aimerai disparaître. Alors je monte ici. Regarde, ça ne ressemble à rien que tu connaisses. Je prends une inspiration et… Ici, nous sommes comme deux gouttes au milieu de l’orage, personne ne te retrouvera. Tu ne rencontreras que tes fantômes. A mon avis, tu n’es pas muette… Ce sont tes fantômes qui te font murmurer en rêve ? Et qui t’empêche de par… ? N'ai pas peur, ici nous sommes à l’abris. Comme deux gouttes d’eau.Mara