Dans les années 20, le destin du Commissaire Louis Betille croise celui de Bertille, jeune fille de bonne famille autour de l’étrange apparition d’une boule rouge semblant dotée d’une volonté propre… Quarante ans plus tard, le jour où sa compagne rompt avec lui, qu’il perd son travail et se fait voler son portefeuille, Jonathan Lassiter croise Edward, un homme élégant, cultivé et cynique qui allait l’entraîner dans la plus folle nuit de sa vie…

Après avoir passé quelques temps à Paris, Lassiter s’embarque en Gare de Montparnasse à bord d’un train à destination de la Bretagne. Dans le compartiment où il prend place se trouve déjà une dame élégante d’un certain âge radieuse et au regard pétillant de malice, accompagné de son époux, un homme un peu bougon… Le temps de rapides présentations et les voilà rejoint par un homme aussitôt pris en grippe par le vieil homme…

Le commissaire Bertille, car c’était, lui sort bientôt son arme pour mettre en joue le nouveau venu… Commence alors une aventure rocambolesque et policière mettant en scène Bertille, Bertille et Lassiter…

Eric Stalner donne des sueurs froides aux sites dédiés au neuvième art en créant des albums fascinant mais sans liens apparents qui se télescopent pour créer un nouveau récit… Tel est le cas de l’étrange mais fascinant Bertille et Bertille et 13 heures 17 dans la vie de Jonathan Lassiter puisque l’on retrouve le Commissaire Bertille, désormais retraité, et Bertille Bertille, sa pétillante compagne, et le jeune Jonathan Lassiter, riche désormais mais qui se retrouve poursuivit par un Max plutôt revanchard et ses barbouzes…

Le petit couple formé par le Louis et Bertille s’avère encore et toujours truculent, avec leurs continuelles chamailleries qui ne parviennent pas à masquer l’amour touchant qu’ils se vouent l’un à l’autre… Les retrouver quelques décennies après leur rencontre s’avère particulièrement attendrissant d’autant que leurs échanges sont fort bien écrits, comme l’ensemble des dialogues de cet album truculent… Jonathan Lassiter n’a pas trop changé depuis ces 13 heures et 17 minutes que nous avons passé en sa compagnie… Il faut dire que son étrange nuit s’est déroulé il y a peu… Le trio qu’il forment tous les trois fonctionne à merveille et donne une coloration toute particulière au récit qui s’inscrit dans la veine du roman noir, avec des références évidentes aux dialogues d’Audiard mais aussi au Vieux Fusil de Robert Enrico…

Le dessin d’Eric Stalner s’avère somptueusement stylisé… Du découpage fluide et percutant qui lorgne vers les polars des années 60 dont l’auteur parvient à saisir et retranscrire l’atmosphère si particulière avec une colorisation tout juste somptueuse, en noir et blanc délicieusement teinté de rouge et une mise en scène dynamique et savamment maîtrisée. Le casting quant à lui tout aussi impeccable avec des personnages expressifs qui on la gueule de l’emploi, de nos trois personnages principaux aux policiers, barbouzes et personnels de maison…Et que dire de ces fascinants décors, du train où se déroule la savoureuse scène d’ouverture de l’album, à l’océan déchaîné sans oublier ce magnifique manoir construit sur une île paisible (tout au moins avant que ne se déchaîne la tempête !) et qui va servir de cadre au dénouement de ce scénario rocambolesque qui se teinte, boule rouge oblige, d’une pointe de fantastique aussi impromptue qu’originale ? Et de cet étrange épilogue avec ces photos qui refont surface, la petite boule rouge qui semble avoir été adoptée et cet étrange ami du Nebraska… Tout cela nous laisse à penser que la rencontre entre les Bertille et Lassiter n’est peut-être pas si fortuite qu’on le pensait de prime abord…

Le facétieux Eric Stalner nous propose un album qui tisse un lien entre deux autres présentés comme des one-shoot mais dont les personnages se retrouvent pour un polar savoureux lorgnant du côté des films noirs dialogués par Audiard, écrits et filmés par Jean-Pierre Mocky mais aussi du Vieux Fusil de Robert Enrico…

Désormais retraité, Louis Bertille et Bertille, sa chère et tendre épouse, s’embarquent au bord d’un train quittant la gare de Montparnasse en direction de Saint-Brieuc… Ils sont bientôt rejoints par un jeune homme, Jonathan Lassiter, puis par un homme que l’ex-commissaire prend d’emblée en grippe, devinant qu’il est armé… l’avenir dira qu’il fait partie des barbouzes que Max a envoyé sur la trace de Lassiter dans l’espoir de retrouver Edwards…

Retrouver quarante ans après un petit couple que l’on a vu naître au cours d’un doublement fantastique polar se déroulant dans les années 20 est un réel plaisir et ce d’autant que le couple qu’ils forment s’avère délicieusement attendrissant et l’on devine que leur rencontre avec Jonathan n’est pas le fruit d’un heureux hasard… Le dessin somptueux d’Eric Stalner est sublimé par une mise en couleur subtile alliant un noir et blanc fascinant digne des polars des années 60 teinté d’un iconoclaste pointe de rouge qui confère à l’ensemble une atmosphère irréelle parfaitement raccord à l’histoire singulière et décalée…

Bertille et Lassiter est un polar rafraîchissant signé par un auteur inventif qui nous propose avec cet album l’un de ses récits les plus jubilatoires…

- Vous entendez, mon ami, Monsieur est américain.
- Ah oui ? Vous me parlez de nouveau ?
- Ne soyez pas stupide, voyons, en plus d’être obtus.
- Ah, mais non ! Ce n’est pas moi qui suis obtus, c’est vous qui…dialogue entre Louis et Bertille Bertille