Roger, jeune breton promis à brillant avenir poursuivait ses études dans un prestigieux établissement grâce aux sacrifices de sa mère. Mais, à la mort de cette dernière, son oncle le spolie de l’argent qu’escomptait lui laisser sa mère et voilà Roger ontraint d’abandonner ses études et de devenir ouvrier chez Renaud. Louison, son amoureuse, est au courant de la malversation de son beau-père mais préfère garder le secret de peur que Roger ne commette l’irréparable…
Alors que Roger s’épuise à l’usine, Louison doit abandonner ses rêves de devenir actrice et est engagée comme petite main dans la prestigieuse maison Bernstein grâce à la sœur du haut couturer qui en pince pour elle… Mais, alors qu’elle allait devenir modèle, Berstein décide de partir pour les Etats-Unis tandis que les grèves se durcissent pour exiger des améliorations des salaires et conditions de travail…
Le gouvernement de Léon Blum s’efforce de donner corps à leurs revendications malgré l’influence des ligues d’extrême droite et des patrons qui voient d’un mauvais œil ces revendications… La situation est d’autant plus difficile à gérer que l’Allemagne se réarme tandis que la Guerre Civile Espagnole déchire le Front Populaire quant à la conduite à tenir…
Après un premier tome passionnant qui voyait se lever un vent d’espoir revigorant avec l’avènement du Front Populaire au pouvoir, il nous tardait de retrouver Roger et Louison qui ont vu leur rêve se briser sur le mur de la réalité.
Mêlant petite et grande Histoire sur fond de lutte sociale, le scénario de Chantal van den Heuvel s’avère tout aussi poignant que passionnant, nous donnant à sentir ce formidable vent d’espoir que les luttes syndicale conjuguée à l’arrivé de la gauche unie aux affaires a pu soulever. Mais l’on sent déjà en filigrane les germes de la discorde… A travers le destin de Louison et Roger, ce sont les rêves de toute une génération qui sont esquissés alors que le spectre de la guerre se dessinait peu à peu, entre la montée du fascisme en Italie ou en Espagne et la marche inexorable vers le conflit orchestré par l’Allemagne nazie… Mêlant figures historiques et personnages fictifs, son scénario solidement documenté nous immerge avec force dans cette période contrastée où tout semblait possible, le meilleur comme le pire…
Au tumulte quasi insurrectionnel de la capitale qui voit les gauches s’affronter tout en luttant contre l’ordre établi répond la quiétude de la campagne qui porte sur les évènements en cours un regard étrangement distancié, malgré des prises de positions souvent tranchées. Si le récit s’attache au destin mouvementé d’un couple particulièrement attachant, la scénariste esquisse le portrait d’un Léon Blum soucieux de bien faire tout en portant sur ce qui se joue un regard prudent et lucide qui allait lui attirer tant la haine des ligues que celle des plus revendicatifs du peuple de gauche qui voit dans sa mesure un renoncement à ses idéaux. En mettant en scène bourgeois, politiques, notables et petites gens, Chantal van den Heuvel développe avec finesse plusiurs points de vues qui éclairent l’époque alors que, suite à un drame accidentel, Roger allait être précipiter dans la Guerre d’Espagne et défendre la liberté, les armes à la main…
Le scénario passionnant de Chantal van den Heuvel est joliment mis en image par le trait délicat d’une Anne Teuf et les couleurs délicieusement désuètes de Lou qui nous font entrer avec art dans l’intimité d’une poignée de personnages pour la plupart très attachants… L’autrice de Finnele, trilogie poignante où Anne Teuf nous racontait la vie de Joséphine, sa grand-mère, jeune alsacienne emportée par la tourmente de l’Histoire, signe un album sensible et délicat qui met en scène avec pudeur les sentiments des différents protagonistes qu’elle nous fait partager avec une facilité désarmante… Les années 30 qu’elle esquisse avec force détails s’avèrent des plus convaincantes et nous font ressentir l’ambiance si particulière qui devait régner dans les rues de Paris alors que les usines s’arrêtaient unes à unes…
Après le vent de l’espoir qu’on sentait se lever avec le premier tome, le bruit des bottes et de la guerre commencent à se faire entendre dans la France des années 30…
Après avoir remisé son rêve de devenir actrice, Louison se rêve modèle tandis que Roger s’épuise en travaillant à la chaîne. Séparés par la vie, les deux amants se retrouvent, presque par hasard comme s’ils ne s’étaient jamais quittés. Les deux amoureux allaient mettre à profit leurs deux semaines de congés payés acquis après un long bras de fer social pour retourner en Bretagne. Mais un drame allait obliger Roger à partir faire la guerre en Espagne aux côtés des Républicains… Leur amour résistera-t-il à cette nouvelle épreuve ?
Faisant la part belle aux émotions, le dessin délicat d’Anne Teuf met joliment en image le captivant scénario de Chantal van den Heuvel qui parvient, en mêlant figures historiques et personnages fictifs, à esquisser un saisissant portrait de la France des années 30 et d’une gauche unie mais déjà divisée qui en évoque une, plus contemporaine… L’histoire d’amour parfois tumultueuse entre Louison et Roger est à l’image de cette période troublée tour à tour inquiétante ou porteuse d’un espoir inspirant et revigorant…
Un bien beau dytique que cette Belle Espérance qui fait partie de nos gros coups de cœur de cette rentrée littéraire…
Tu peux bien me traiter de petit-bourgeois si ça te chante. Trotskiste, anarchiste, gauchiste, ce que tu veux ! Des mots, t’en as plein la gueule ! Pendant des mois tu me bassines avec ton grand soir, et là… Là ! Toute la France est en grève ! Suffit d’une étincelle pour que ça pète, qu’on monte sur les barricades ! Le grand barouf, enfin ! Mais non, NOON ! A cause de vous, les communistes, vos stratégies de pinailleurs, vos reculades, ça ne sera qu’un pétard mouillé !Roger
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